C'est dans les coins les plus reculés du Japon que l'on trouve de vrais papiers japonais traditionnels. Clairement, le washi est confectionné à partir de plantes, et le processus de fabrication -qui utilise de grandes quantités d'eau claire- nécessite d'être a proximité, le plus souvent, d'un cours d'eau. Dès lors, on va souvent trouver les ateliers de washi dans des petits villages encaissés dans les montagnes.
C'est le cas pour le papier de la région de Gokayama dans la préfecture de Toyama. Gokayama est une des régions célèbres pour leurs maisons au toit de chaume (gasshô-zukuri). L'histoire veut qu'après leur défaite contre le clan Minamoto au 12e siècle, les survivants du clan Taira se seraient réfugier dans les vallées de Gokayama pour s'y installer, y apportant la culture de Kyoto dont le washi. C'est en parallèle des travaux agricoles que la fabrication du papier s'est développée.
Il est aussi possible que du papier ait déjà été fabriqué bien avant dans la région, car les chroniques du Shosoin datant du 8e s. mentionnent "les 400 feuilles de papiers d'Echû", Echû étant le nom d'une ancienne province japonaise dont fait partie Gokayama.
Profitant d'un long week-end Septembre 2014 dans le Toyama, je me suis allée à Ainokura, un des villages de Gokayama. Ainokura est en fait 'un village de papier' car c'est ici que l'on y retrouve l'artisanat papier datant des Taira. L'une des maison gasshô est une boutique qui vend le washi de Gokayama (五箇山和紙). On peut aussi s'essayer à la fabrication d'une feuille de washi (atelier individuel de 10~15min).
Plus loin, en longeant la route principale qui descend dans la vallée, on retrouve l'atelier de fabrication du washi de Gokyama (l'atelier s'appelle tout simplement Gokayama washi). La boutique est plus fournie que celle du village, et il est possible de descendre visiter le grand atelier. Il y avait un artisan en plein travail de fabrication de papier pour ombrelle japonaise (wagasa), commande de l'atelier Hiyoshiya à Kyoto. Ca a été une chance de visiter un atelier qui reçoit des commandes de tout le pays.
Une petite discussion avec la personne présente est donc vite entamée. L'atelier confectionne du washi uniquement à partir du kôzo qu'ils cultivent sur place. Le tororo aoi, lui, est produit dans la préfecture d'Ibaraki. Le papier qui sort de cet atelier est donc 100% japonais, alors que certains sont maintenant confectionnés à partir de kôzo ou tororo aoi importés d'Inde ou de Chine.
L'atelier est ouvert aux visites et il est aussi possible de s'essayer à la fabrication de papier (avec rendez-vous) dans une ambiance un peu plus authentique que celle dans la boutique du village, puisque l'on a l'occasion d'utiliser les outils de l'atelier! Les différentes étapes de fabrication sont indiquées par des pancartes au dessus des équipements...L'atelier est très bien équipé, et j'ai compté 3 batteuses naginata (machine qui cisaille les fibres de kôzo). Ca prend beaucoup de place ces bêtes!
Les utilisations du washi de Gokayama sont assez classiques: panneau coulissant de papier (shoji que vous pouvez voir dans les maison gasshô), lanternes, ombrelles, écriture. Les papiers de qualité supérieure sont utilisés pour de la restauration de bien culturels nationaux, comme les shoji de la Villa Impériale à Katsura (Kyoto). Par ailleurs, Yushi Miyamoto, un des artisans de washi de Gokayama, perpétue la tradition de blanchir les fibres de kôzo sur la neige (雪晒し yuki sarashi), la région étant très enneigée en hiver.
Lorsqu'il est teint, le papier est aussi très utilisé pour faire du chigiri-e, ces tableaux de collages de washi déchiré. Un concours/exposition national a lieu au Gokayama Washi no Sato en ce moment (9 Sept au 26 Oct), en même temps que le Washi Matsuri (fête du washi) de Gokayama.
Pour se rendre à Gokyama depuis Toyama: train pour Takaoka ou Johana puis bus "World Heritage"(Seikaiisan bus). Si le coeur vous en dit, et parce qu'il est possible de faire quelques villages en une seule journée, vous pouvez pousser jusqu'à Shirakawa-go, le plus connu des villages aux toits de chaume. Plus d'informations sur le village d'Ainokura en cliquant ici.