Aujourd'hui, le washi ne se fabrique plus (ou très occasionnellement) dans les grandes villes car la qualité de l'eau en centre urbain ne convient pas à la fabrication d'un matériau durable dans le temps. Il en est de même à Kyoto. Il n'y a plus d'artisan de washi dans la ville. Sauf que, sauf que ! Si en fait. Mais ce n'est pas exactement le washi dont je parle à chaque fois puisque l'atelier que j'évoque ici fabrique du papier de bambou. Et aussi, tout se passe "au fond du jardin" ou presque, par une artisane autodidacte. La singularité du lieu n'en est pas moins fantastique. Pour vous le faire comprendre, il faut que je remonte à près de 1230 ans arrière.
Fibres de bambou - Atelier Nishi Tera - Photo : Emilie EVEN/Hariko Paper
794 - Kyoto devient capitale impériale et le palais de la cour est construit à l'emplacement qui est aujourd'hui bordée par les rues Ichijo (nord) Nijo (sud), dans l'alignement de la rue Senbon. C'est en gros le quartier entre le sanctuaire Kitano Tenmangu et le château de Nijo. Dans cette enceinte, le Zushoryo est "l'officine gouvernementale des documents" et gère la production de papier pour l'administration du pays. La tâche devenant ardue à cause d'une bureaucratie en plein développement, le Zushoryo décide d'ouvrir un atelier de fabrication de papier pour améliorer la technique de fabrication du papier : le Kamiya-in, dont l'emplacement, à quelques de centaines de mètres du Zushoryo, n'est pas certain mais une rivière à son nom coule toujours (dans le jardin du sanctuaire Kitano Tenmangu).
Carte "Le Washi à Kyoto" par Emilie EVEN/Hariko Paper
Rivière Kamiyagawa, Kyoto, Japon (Photo : Emilie EVEN/Hariko Paper)
Là où une incroyable coïncidence se produit, c'est que l'atelier de papier de bambou est situé sur l'exact lieu du Zushoryo ! Quand j'ai su qu'il existait encore un atelier de papier dans cette ville si importante dans l'histoire du washi, et que j'ai compris qu'il était localisé sur les ruines (très enfouies, certes) du Zushoryo, j'ai pensé que le kami (divinité) du kami (papier) était passé par là. Et que du coup, moi aussi je devais passer par là ! Ca tombait bien, l'artisane ouvrait son atelier au public à l'occasion du "Jour des Machiya" (le 8 Mars), ces habitations traditionnelles japonaises qui vous ramènent un siècle en arrière quand vous passe le pas de la porte. Et qui plus est, elle invitait ce public à s'essayer à faire du papier de bambou. Ni une, ni deux, réservation prise pour l'atelier de papier de bambou à l'atelier Nishi Tera de Kobayashi-san.
Je vous raconte la suite bientôt !
(Tous textes et photos sont fruits de mon travail. Ils sont non-libres de droits. La carte "Le Washi à Kyoto" est extraite du mini-guide compagnon du service de tours guidés sur le papier japonais à Kyoto que je propose.)
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Avant de pénétrer dans l'antre des couleurs, laissez-moi vous rappeler ce qu'est le papier yuzen. C'est un papier japonais paré de motifs japonais colorés et complexes, issus de l'industrie textile du kimono. On lui donne souvent le nom de chiyogami dont il est en fait different. Le chiyogami est un type ancien de papier décoré de motifs plus simples car imprimés à l'aide de plaque de bois gravées. Le papier yuzen, lui, est une invention récente des années 1960-70, lorsque les industriels du kimono et du papier se sont rejoints pour imprimer sur du washi les motifs qui se trouvaient sur les kimono. Les motifs sont imprimés en sérigraphie (silk screen en anglais) : chaque couleur est appliquée en forçant l'encre au travers d'un écran de nylon finement ajourée d'une partie du motif.
"Yuzen" vient du nom de la technique -par enclaves- qui a permis de peindre des motifs complexes et très colorés sur les kimono. Quant au washi sur lequel sont imprimés les motifs, cela va faire grincer les dents mais, la demande est telle que les volumes à produire sont énormes et il n'a donc rien d'artisanal. Il est composé d'un mélange de pulpe de bois et de murier à papier (non japonais) blanchi chimiquement et fait en machine pour assurer prix bas et quantité.
Kyoto étant le foyer des ateliers de teinture sur soie de kimono, il semble naturel de retrouver les ateliers qui impriment des motifs yuzen sur du washi. Il existe en effet plusieurs de ces établissements dans la région autour de la ville, mais tous ne sont pas ouverts aux visites. On peut cependant retrouver les papiers qu'ils ont imprimés dans différentes papeteries de Kyoto. Il y a quelques années, les ateliers qui faisaient l'impression des papiers yuzen étaient très secret sur leurs procédés, alors que la sérigraphie n'a rien de révolutionnaire. Mais aujourd'hui, ces ateliers ouvrent leurs portes, publient sur les réseaux sociaux et nous laissent entrevoir comment ils travaillent pour produire les superbes papiers yuzen qui nous font tant rêver du Japon. C'est le cas de l'atelier Otsuka Senkojo qui participe à la Design Week Kyoto, durant laquelle il est possible de voir et de s'essayer à certains artisanats de la ville. J'ai sauté sur l'occasion en Février 2020, réalisant ainsi mon rêve depuis que je manipule le papier japonais.
J'ai été accueillie par Takako-san en charge de la promo de l'atelier. Elle me raconte d'abord ce qu'est le papier yuzen en montrant les grues en origami qu'elle a plié pour donner aux visiteurs (je suis la seule aujourd'hui !). Elle explique aussi que la difficulté technique pour imprimer sur divers washi n'est pas vraiment l'impression mais la façon de fixer les feuilles de papier sur les étales d'impression : trouver la colle idéale qui n'abimera pas le papier une fois celui-ci décollé. Pourquoi ? Et bien parce que ce ne sont pas exactement les memes papiers que l'atelier imprime a chaque fois. Selon les commandes de clients, le papier change et il faut savoir ajuster ses techniques. Challenge que l'atelier a récemment relevé avec succès en primauté pour pouvoir imprimer sur les fins washi unryu que l'on trouve depuis peu dans les boutiques.
Takako-san me montre aussi les centaines de pochoirs/écran qui servent à imprimer chaque couleurs et chaque partie du motif. Il peut y en avoir jusqu'a 10 par motif. Les motifs imprimés à Otsuka Senkojo sont dessinés par des studio de designs, l'atelier s'occupant seulement de l'impression. Certains imprimeurs ont aussi la responsabilité de varier les compositions de couleurs pour un motif. Il y a la place pour de la créativité donc ! En face des pochoirs, sous les étales d'impression s'alignent aussi des dizaines de seaux contenant les encres confectionnées pour l'impression. En fait d'encre, je devrais dire peinture tellement l'encre est épaisse.
D'ailleurs, ces peintures sont partout. La couleurs aussi malgré que le hangar qui sert d'atelier soit sombre. Aux pieds, des taches constellent le sol. Dans la partie où sont entreposés les encres et poudres colorées, c'est aussi scintillant de ce doré chimique qui fait la fierté des artisans du yuzen (oui, imprimer une belle couleur or est, semble-t-il, difficile). Mais surtout dans l'air : tout l'atelier sent la peinture - et le solvant. Je ne peux m'empêcher de penser que travailler 8h par jour dans cet endroit n'est pas forcément une bonne chose pour la santé.
Un homme travaille à encrer les dizaines de feuilles sur les étales. Il commence par poser le cadre du pochoir sur une premiere feuille, remplit de peinture le bac de réserve au pied du cadre. Avec un racloir, de haut en bas il étale la peinture sur toute la surface du pochoir en un geste ferme et habitué. Puis il lève le pochoir, le place avec précision sur la feuille voisine et de nouveau, étale la peinture. Et recommence. Le geste est répété 25 fois sur la rangée. Puis sur la rangée d'en face. Le temps de faire toutes les feuilles, la peinture sèche et on peut appliquer la couleur suivante. Une fois l'écran utilisé, il est de suite nettoyé dans une machine a jet et frotté à l'éponge, puis séché et rangé.
J'étais sceptique sur le côté artisanal du papier yuzen, la matière papier ne l'étant pas et la technique de sérigraphie ne faisant pas partie des "arts traditionnels" de Kyoto. Mais cette visite en atelier m'a montré que le travail d'impression ne peut pas être mécanisé - pas tout de suite du moins. De plus, la sérigraphie est une réelle performance artistique et un savoir-faire que j'avais déjà pu admirer chez Ann et Stéphane de Pappus Editions (https://www.pappus-editions.com/fr-jp/collections/nathalie-bihan). La maîtrise du geste et l'expérience sont indispensable pour réaliser l'impression conforme à l'oeuvre originale. Si, pour le papier yuzen, le métier est récent comparativement à la teinture sur kimono qui a quelques siècles d'avance, on peut lui souhaiter une longue prospérité qui fera grandir la fierté des gens qui produisent ces petits trésors colorés. Un jour peut-être, ceux-ci rejoindront-ils les "arts traditionnels" de Kyoto.
Papiers yuzen de chez Maruyama Senko disponible sur Hariko
Pour ceux qui veulent savoir plus, Otsuka Senkojo pour Kyoto Design Week Kyoto : https://designweek-kyoto.com/opensites/2407/
Interview de Takako-san https://www.youtube.com/live/V1APzCZqBgA
Ise Washi, ivoire naturel et blanc mécanique
En Janvier, j'ai été contactée par NAKAGITA Yoshiaki, de Taihô Washi qui façonne le Ise Washi, pour une traduction en français du dépliant de l'entreprise. Ise Washi fait partie des noms connus du washi hors Japon car ils élaborent une large gamme de papiers artisanaux et machines pour l'impression jet d'encre. L'échelle de l'entreprise est cependant moindre que le mastodonte Awagami, et cela va avec mon envie de parler des "petits" fabricants (je parlerai plus en détail du Ise Washi dans un autre article).
Dans l'après-midi, Nakagita-san nous fait visiter le bâtiment de l'ère Meiji où tout se déroule. Nous cheminons d'abord dans les salles où se fait le washi à la main. Endroit familier avec des bacs blancs de façonnage "sukibune", une presse hydraulique, des piles hollandaises et japonaises "naginata", des fibres de kozo, de mitsumata, de gampi couleur ivoire venues de tout le Japon et d'ailleurs. Le soleil doré de fin d'après-midi inonde les murs blancs des salles que nous traversons. C'est un peu chaotique et mouillé partout, mais je n'ai jamais vu un atelier de washi ordonné et clinique. Ce serait morne, comme le papier blafard du photocopieur.
Puis, nous arrivons dans la salle avec l'énorme machine qui produit une partie de la gamme des Ise washi et Nakagita-san nous montre le mécanisme qui s'apparente à la technique artisanale de façonnage du washi. Des dizaines de mètres de washi blanc pour le sanctuaire Ise Jingu sont produits sous nos yeux. Plus loin, dans la “salle de vérification" aux murs albâtre, une dizaine d'employées à l'œil de lynx vérifient la qualité du papier produit, retirant des piles de centaines de feuilles les rares feuillets non-valides.
Ise Washi organise régulièrement des expositions d'œuvres photographiques imprimées sur leurs papiers. Nakagita-san nous montre en exclusivité l'expo 水光 (Lumiere de l'eau) qui s'ouvre en Mars: des photo hautes en couleurs sur des formats géants de washi blanchi ou brut. Le rendu est impeccable. J'ai vraiment envie d'essayer ces papiers pour mes propres photos, et Morgane aussi pour imprimer ou peindre ses œuvres. La visite finie, nous passons faire quelques achats à la boutique. La gamme de nuances de blancs des Ise Washi est si large : choisir un kôzo blanchi et texturé ou un mélange ivoire de gampi et bananier basshô ? Nous repartons finalement avec plusieurs échantillons que nous avons hâte d'encrer.
Atelier Ue Washi, chaleureux et bienveillant
Le lendemain, après un lever aux aurores pour aller voir les rochers mariés “Meoto Iwa”, nous traversons la préfecture de Mie pour retourner à Yoshino, Nara. Morgane voudrait en savoir plus sur le kakejiku (c.a.d. kakemono), le support de ses œuvres. Le village de Kuzu no Sato à Yoshino est la destination parfaite car c'est là qu'est façonné le Udagami, un des washi essentiel pour le montage d’œuvres en rouleau (le Misu washi, autre washi pour le montage de kakejiku, y est aussi fabriqué).
Nous visitons d’abord l’atelier de UE Kozou, qui en plus de façonner le Udagami, élabore aussi des washi pour l'esthétique d'intérieurs de maison (ou tout autre usage qui vous inspire !), comme du washi chaleureux avec des fibres de cèdre japonais de Yoshino ou un washi unryu scintillant avec ses paillettes de mica. Ue-san nous fait faire le tour de l’atelier. Sur un établi, du udagami en petit format vient d'être façonné. Ue-san nous explique que le kozo n'était pas assez fin pour en faire du udagami de kakejiku, alors c’est en papier à lettre de style karakami qu’il servira. Dans une autre salle, c’est avec amusement qu’il nous montre une machine à laver qui sert à rincer les lanières de mûrier kôzo en préparation.
Ue-san est un artisan toujours souriant, généreux et ouvert; c’est ma 4e visite dans son atelier mais je n’ai jamais pris le temps d’écrire à propos de son travail ou celui de feu-son père. Après le tour, nous discutons dans cette pièce cosy aux murs recouverts de washi, et où s'entassent des milliers de feuilles, issues de commandes ou en attente de propriétaire. Ue-san laisse Morgane faire quelques essais de pinceaux sur des papiers dont le udagami, puis lui offre plusieurs échantillons.
Atelier Fukunishi Hompo, l'atelier centenaire
Après une pause déjeuner, nous montons dans les hauteurs du village pour nous rendre chez Fukunishi-san de l’atelier Fukunishi Honpo. Devant la maison, des feuilles de udagami sèchent au soleil sur des planches de bois. Ces planches de ginkgo servent depuis la fin de la période Edo, soit plus de 200 ans. Elles sont tellement blanchies par la craie contenue dans le udagami que l’on distingue à peine qu’y est apposé du washi. Hatsumi-san, la femme de Funkunishi-san, decolle les feuilles. Elle nous propose de donner un coup de main. Mais le vent fait voler dans tous les sens ces feuilles si precieuses que l’on croit fragiles (alors qu’il n’en est rien).
Cette fois aussi, nous faisons le tour de l’atelier. Morgane est de nouveau fascinée par la lumière qui filtre à travers les vitres et illumine le sukibune. C’est vrai que ces bacs sont toujours installés sous les fenêtres, probablement pour que l'artisan apprécie l'état des feuilles qu’il façonne. On se rend bien compte de l’ambiance intime qui règne dans l’atelier car Fukunishi-san et sa mère travaillent à nettoyer le kozo sur une table, tandis que Hatsumi-san nous présente son petit-fils, né de leur fille, il y a quelques mois et déjà bien joufflu. Comme une impression de rendre visite à sa famille lors d’un jour de printemps.
Hatsumi-san nous installe dans le bureau et nous sert un café. Là encore, des centaines de papiers s’entassent sur des étagères ou dans les placards. Des estampes noir sur blanc, des impressions, des dessins à l’encre sur des washi “kinari” (couleur “telle qu’elle”), des diplômes des artisans de l'atelier sont accrochées sur tous les murs. Nous faisons la conversation pendant que Hatsumi-san prépare des commandes. Avant que nous repartions, elle nous offre des papiers façonnés à l'atelier. Toujours cette générosité non teintée. Cette journée était radieuse.
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Premières traces au musée de l’encre sumi
Nous avons donc exploré quelques ateliers de fabrication, en commençant par le (petit) musée de l'encre sumi 墨の資料館 (https://boku-undo.co.jp/sumi_museum.html). Le musée est attenant à une usine de fabrication d'où se dégage le mélange caractéristique de parfum musqué et d’odeur de terre. Cette premiere visite était une bonne introduction au monde noir du sumi, malgré le fait qu'il n'y ait pas vraiment d'atelier à proprement parler. Seul est observable un artisan moulant les bâtons d'encre, les mains et les pieds charbonnés à force de malaxer la pâte luisante composée de suie, de colle gélifiante et de parfum. La personne qui nous a guidé nous a mis dans les mains une boule encore chaude de ce “yōkan” (pâte de fruit) couleur d'ébène. Il s'écoule entre 6 mois et un an entre cette forme brute du sumi et le bâton d’encre dur et délicatement orné que l’artiste devra frotter sur sa pierre à encre. Il faut donc presque une année pour fabriquer des bâtons d’encre sumi...
Bokuen Nagano, 6e génération de l’atelier Kinkoen
En sortant du bâtiment, le soleil est là, chaud, contrastant avec l'intérieur sombre du musée, un peu vieillot il faut l’avouer. Nous faisons le plein de luminosité au déjeuner avant de pénétrer dans la machiya aux murs blancs de l’artisan Bokuen Nagano (墨庭 長野), 6e génération de l’atelier Kinkoen 錦光園 (https://kinkoen.jp/) qui fabrique du sumi depuis plus 150 ans. Nagano-san est très avenant et nous raconte l’histoire du sumi, sa composition et sa fabrication. Puis il propose à Morgane de mouler un bâton d’encre avec l’empreinte de sa main. Nagano-san prépare alors la fameuse pâte noire qu’il pétrit et roule, formant une boule sombre et luisante entre ses mains encore blanches. Une fois le moulage par Morgane fini, il s’absente brièvement et revient pour nous dire que nous ne pourrons pas voir son atelier : il est trop encombré et...noir de suie. Oh :( Dommage, Morgane et moi sommes vêtues de noires, cela ne nous aurait pas dérangé ! Mais nous n’insistons pas. Puis, en expliquant la raison du voyage de Morgane a Nara, Nagano-san nous apprend que les pinceaux de Nara sont aussi très réputés et il contacte une artisane que nous pouvons aller voir de suite. Après que Morgane ait choisi des bâtons d’encre pour ses futures peintures, nous nous rendons chez Tanaka-san, maître-artisane de pinceaux Nara.
Les pinceaux Nara de l’artisane Tanaka
Chiyomi Tanaka (千代美 田中 ; 奈良筆 http://www.narafude.jp/index.html) fabrique des pinceaux (筆 fude) traditionnels de Nara depuis 40 ans, et est reconnue officiellement par le label gouvernemental Densan comme artisane traditionnelle dans son domaine. Elle nous accueille dans sa minuscule boutique atelier, et nous fait une introduction sur la fabrication des pinceaux pour encre. Une fois encore, le savoir-faire et la dextérité nécessaire pour fabriquer un objet traditionnel si simple nous fait écarquiller les yeux et pousser de “Ouah” d’admiration. J’ai l’impression que plusieurs professions sont mélangées en une seule. L’environnement de travail de Tanaka-san n’est pas aussi contrastée que celui des artisans de sumi mais l’esprit noir&blanc est quand-même présent dans les poils qui composent ses pinceaux. Nous passons une heure et demi à écouter et discuter “fude” avec Tanaka-san. Puis Morgane essaie quelques pinceaux avec lesquels elle trace des bambous, esquisse une fleur, et hésite à choisir entre les subtilités des traits qu’elle a ressenti (et qui sont invisibles à mes yeux ignares). En sortant de l’atelier, il fait déjà sombre, tant pis pour un coucher de soleil sur la colline. Nous rentrons à la guest house, heureuses de cette journée de découverte mais un peu déçues de ne pas avoir vu plus intimement les antres où se fait l’alchimie du sumi. Demain, il nous reste à voir Kobaien, les plus anciennes encres du Japon, qui propose une visite de sa fabrique bâtie il y a 200 ans à l'ère Meiji.
Rêve monochrome à Kobaien
Ce matin, le noir et le blanc se mélangent en un ciel maussade et il pleut toute la matinée. Mais la grisaille est dissipée par une confirmation de Kobaien古梅園 (http://kobaien.jp/index.html), après échanges d’email et de silence, que nous pouvons visiter sa fabrique ! Nous arrivons devant la machiya aux murs noirs enduits de plâtre de sumi, classée bâtiment culturel de Nara. Nous débutons de suite la visite de la fabrique en passant un rideau noren noir siglé du nom “Kobaien” en blanc. Ce qui se cache derrière est pareil au noren: des bâtisses aux murs tantôt noirs tantôt blancs. Notre guide nous explique succinctement ce qu’est le sumi et sa fabrication et nous emmène vers ce que nous attendions de voir depuis hier : une salle noire où brûlent dans des petit bols les huiles qui produisent la suie susu (煤), essence de l’encre sumi. A l'entrée des salles, dans une petite alcôve, un homme tresse les mèches qui seront plongées dans l’huile. De cette mèche, s'élèvera la fumée contenant la suie qui sera récoltée sur un couvercle en terre cuite. 200 bols à mécher et récurer tout au long de la journée. Dans un autre bâtiment, notre guide nous montre les chaudrons où est fondu le nikawa, de la gélatine de bœuf non raffinée qui sert de colle-durcisseur pour former les bâtons et palets de sumi.
Plus loin dans la cour de la fabrique, installés dans des guérites vitrées, des artisans malaxent (au pied et à la main) et moulent l’encre. Notre guide nous explique que l’artisan doit “couver” entre ses jambes le sumi frais pour éviter qu’il ne durcisse et soit trop difficile à travailler. Une fois formés, les bâtons partent au séchage dans la cendre. La pièce dédiée est grise de poussière : toute la journée, un homme va remuer les cendres en transférant bâtons et palets d’une caisse de cendres devenues humides à une caisse de cendres sèches. Après une semaine à un mois, ces bâtons seront suspendus sur des nattes pour plusieurs mois, voire des années dans une pièce confidentielle. L’ultime étape consistera à polir et orner les sumi de couleurs, d’or et des fines gravures. En repassant sous le noren, nous avons l’impression de sortir d’un reve en noir et blanc. Morgane et moi admirons le travail fini de ces précieux lingots noirs dans la vitrine de la boutique.
Epilogue
Notre voyage au pays du noir s’est terminé cette matinée là, et nous devions rejoindre le chemin du washi blanc dans l’apres-midi. Ce que j’en ai ressenti, à en voir couverts les mains, les pieds, les murs, c’est que ce noir de sumi n’est ni sale, ni austère. Il est profond, mystérieux; invitant. On a envie d’y plonger. Surtout un pinceau, en fait, et d’en éclabousser une feuille blanche, voir l’encre s'étaler, se mouvoir entre les fibres du papier. Il est apaisant, il n’y a qu’une couleur à interpréter. Et encore, c’est faux car Morgane m’a appris que le sumi a des nuances noires, rouges ou bleues. C'était magnifique d’accompagner Morgane dans ces échanges, d’apprendre cet artisanat dont je ne connais rien et qui est pourtant si complémentaire, voire partenaire, du papier japonais washi.
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Shinshû - ou Shinano kuni - entre Gifu et Nagano est la corne d’abondance du Japon : la région regorge de spécialités culinaires qui irriguent les marchés du pays (pomme, raisin, légumes en tout genre, soba, lait, riz, miso, miel...). C’est aussi le joyau du Japon dans son écrin de montagnes : le rubis de la vallée de Kiso, l’argent des Alpes japonaises, l’émeraude des forêts de Karuizawa, l’or du soleil levant sur le Mont Kirigamine…La liste est plus que longue (voir ici : https://www.go-nagano.net/en/). Bien entendu, l’artisanat n’est pas en reste, et comme dans beaucoup de régions montagneuses, la fabrication du washi y est pratiqué depuis des centaines d'années. D’ailleurs, c’est au nord de la région de Shinshû, du côté de Iiyama, que se trouvent les ateliers du fameux washi Uchiyama (lire l’article Uchiyama).
Pour un long week-end, je suis restée vers Nagawacho, une ville à l'est de Matsumoto. Il s’y trouve le Shinshu Tateiwa Washi no Sato, un petit atelier ouvert avec les efforts de la commune pour faire revivre la tradition du washi. Plutôt tourné vers la pédagogie au public, l’atelier accueille les visiteurs pour faire du washi mais possède aussi un espace de fabrication destiné à la vente. Je n’ai pas visité cet atelier faute de temps, et j’ai préféré aller voir Shûichi Koshihara, troisième génération de l’atelier de Shinshu Matsusaki Washi (信州松崎和紙) à Ômachi au nord de Matsumoto. Mon intérêt était piqué par cet artisan car il a une approche plutôt artistique du métier de fabrication du washi. Faire des feuilles blanches lui semble d'un moindre intérêt, bien qu’il en façonne quand-même.
Rendez-vous est donc pris pour discuter avec Koshihara-san pour parler de son métier, de son atelier et prendre quelques photos. A mon arrivée, un groupe d’une quinzaine de touristes Japonais est dans l’atelier pour visiter, expérimenter et acheter. Je patiente dans la boutique en attendant que le groupe ait fini sa visite. Koshihara-san m'accueille ensuite dans son bureau, je me présente mais j’ai oublié mes meishi (cartes de visite) à la maison, quelle erreur ! Je pose mes premières questions pour en savoir plus sur l’atelier et comment Koshihara-san est devenu le dernier artisan de Matsusaki washi. Par son père, Yasuo Koshihara? “Non, lui était représentant de l'atelier. J’ai appris en regardant les artisans de l’atelier où mon père travaillait. Lui faisait la vente et la boutique." L’atelier est là depuis 90 ans, et faisait travailler une vingtaine d'artisans a ses debut. “Avant dans la salle de façonnage - elle est grande, hein? - il y avait quatre sukibune (bac de façonnage)." Il n’y en a plus que deux aujourd’hui, Koshihara-san et Yotsumi, sa femme, sont les seuls artisans.
La fabrication de washi à Omachi semble remonter au 11e siècle, lorsque le papier était fabriqué à partir de kajinoki (un mûrier parent du kozo) pour les rites shintoïstes du sanctuaire (aujourd’hui trésor national) Nishina Shinmei-gu. Le washi que fait Koshihara-san est maintenant différent (bien qu'il soit toujours sollicité annuellement pour les rites du sanctuaires) : des papiers ornés de feuilles colorées, d'écorces de plantes, d’aiguille de pin japonais, de graine de soba (seigle)... des washi reflet de la créativité de Koshihara-san. L’artisan fait à la fois des papiers au gré de son inspiration, ainsi que des washi à la demande. Il adapte sa production aux envies et au budget des clients, des washi de valeur ou de moindres qualité, vierges ou décorés. Le washi Matsusaki est réputé pour être légèrement crème et fort, du fait de la teneur en fer de l'eau utilisée pour le façonner.
Koshihara-san semble libre dans sa pratique du tesuki washi. Je lui demande pour la reprise de l’atelier. "J'ai des enfants, mais faire du washi n’est pas un métier qui rapporte ("fait manger"), donc s’ils veulent faire autre chose, je les encourage dans leur propre voie. S’il n’y a personne pour reprendre l’atelier après moi, et bien, il fermera.” L’artisan ne semble pas avoir trop de regrets. Il est plutôt réaliste et comprend bien la dureté du métier. Il y a peu d’aides ou de communication de la part de la commune ou préfecture mettant en avant le washi Matsusaki. L’atelier est cependant bien situé, proche de Matsumoto, ville attractive avec un magnifique château d'époque, et de la grosse région touristique de Kurobe (Mont Tateyama, station de ski Hakuba...). Mais avec la crise sanitaire du covid-19, les visiteurs se font rares. Il est donc important de mieux faire connaître l’artisan de washi auprès des Japonais et en dehors du Japon, et faire naître l’envie de visiter les ateliers restants !
Le washi Matsusaki est disponible sur Hariko Paper : https://harikopaper.com/products/washi-matsusaki-incrustations-vegetales
Atelier Shinshu Matsusaki Washi (https://www.shinshu-matsusakiwashi.com/)
Ouvert 9:00-17:00 avec fermeture variable.
Expérience de fabrication de washi (quantité ad-libidum) et visite de l'atelier : 2h -1000Y (sur réservation)
Mail:matsusakiwashi@gmail.com
A 10min de la gare JR Shinano Omachi.
Autres liens a propos de l’atelier :
https://30seconds-trip.jp/movie/omachi_washi
https://shinano-omachi-brand.jp/2018/11/342/
https://www.city.omachi.nagano.jp/richi/matsuzaki.html
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L'histoire
Aux origines du washi Sugihara vers le 7e (période Nara), il y avait le washi Harimagami, un papier fabriqué pour les nobles et la cour impériale. Puis à la période Heian, la famille impériale des Fujihara, propriétaire des terres dans la vallée de Sugihara, choisit d'utiliser le washi Sugihara pour les documents officiels qui devaient être préservés du temps. La qualité du washi Sugihara était telle que le papier était offert comme cadeau entre nobles, établissant la coutume du 一束一本 (issoku ippon) pour laquelle une liasse de 480 feuilles de washi Sugihara (一束) ainsi qu'un éventail (一本) était offert.
(Photo : https://www.ishimura.co.jp/saijiki/31_40/vol_31.html)
L'administration du shogunat de la période Kamakura (12e-14e) utilisa à son tour le washi Sugihara pour l'établissement de documents officiels. Une légende raconte que les samouraï, classe alors naissante, impressionnés par la blancheur et la qualité du papier décidèrent "un samouraï ne devrait pas écrire sur un papier autre que le washi Sugihara." A partir de la période Muromachi (14e-16e) et l'explosion de la demande de papier, la réputation du washi Sugihara se répandit dans tout le pays a tel point que plusieurs foyers de fabrication du washi Sugihara apparurent à travers le pays.
(Photo : https://sugiharagami.takacho.net/history/ )
Durant Edo (17e), la popularité du washi Sugihara s'étendait sur tout le Japon et le papier était utilisé quotidiennement par les classes populaires. Avec l’ouverture du pays aux importations occidentales durant l'ère Meiji, le déclin du washi Sugihara s'amorce jusqu'à la disparition du dernier atelier en 1925. Mais grâce à la volonté d’une poignée de passionnés, couplée à la mémoire des anciens de la vallée de Sugihara et les mannes financières de la villes de Tada, le washi est aujourd’hui de nouveau façonné à l’institut du washi Sugihara. Sa principale caractéristique est sa blancheur naturelle sans utiliser d'agents blanchissants.
La visite
Visiter cet institut fut un vrai plaisir car j’ai appris (bien sur !), photographie (le but de ma venue) et pratique (le bonus de la visite !). Le bâtiment regroupe tous les postes de la fabrication du washi mais tous n'étaient pas actifs ce jour-la, car durant l’hiver le gros du travail est d’arriver jusqu'à l'étape du blanchissage en riviere tant que les eaux sont froides : récolte > dépouille > trempage > grattage > blanchissage (puis retirer les noeuds > cuisson > rinçage > cisaillage > façonnage > séchage).
La raison pour laquelle je suis venue visiter l'atelier est que je veux assister au kawasarashi, le blanchissage des fibres de kôzo dans les eaux froides de la rivière qui coule au bas de l’atelier. Fujita-san a procédé au kawasarashi en fouettant les eaux avec des liasses de fibres qui ont été débarrassées de l'écorce brune (kurokawa) et fibres tendre et vertes (amagawa) pendants l'étape du kurokawa-tori. Cela produit de grandes gerbes d’eau. C’est impressionnant mais ce geste n’est ni essentiel, ni efficace. C’est pour le spectacle des visiteurs m’a-t-il confié. Biensûr, les fibres sont aussi rincées plus consciencieusement via des brassages et laisser à blanchir toute une nuit dans la rivière. Là est le vrai kawasarashi.
Une fois le spectacle fini, Fujita-san m’a conduit dans une grande salle où quelques artisans procédaient au "kurokawa-tori" : gratter les couches indésirables pour ne garder que les fibres blanches (étape avant le kawasarashi). Il m’a présenté Inoue-san qui fait partie des personnes qui ont participé au projet de retour du washi Sugihara et qui m’a raconté alors le projet. C’est encourageant de voir que parfois, un washi oublie renaît grâce à la volonté des “nouvelles” générations et le souvenir des anciens. Mais il ferme toujours plus d’ateliers de washi qu’il n’en renaît…
Puis Inoue-san me demander si je veux m’essayer au "kurokawa-tori". Biensur ! Alors, il me donne un couteau et un petite matelas a poser sur la jambe. Inoue-san me montre le geste à faire qui consiste à gratter, racler en fait, la couche restantes d'écorce et fibres vertes avec la lame du couteau. Lorsque l’on débute, ce n’est pas facile car le couteau ne glisse pas bien et blesse la fibre. Mais d'après mon voisin de chaise, je m’en sors pas trop mal.
Après ce petit essai, je reprends mon tour de l’institut où j’aperçois deux femmes faire “kizu-tori” (retirer les dommages) : armées de ciseaux, elles coupent les endroits où apparaît un noeud, une tâche noire, afin que les fibres soient au final bien blanches (les fibres seront de nouveau inspectées pour les impuretés durant le rinçage en rivière après cuisson). Après avoir pris quelques photos, je retourne voir Fujita-san.
Un groupe de visiteurs est aussi dans la salle des bacs de façonnages (sukibune) et commente son travail. L’établissement est en accès libre, il y a des panneaux explicatifs pour chaque poste de travail et même un atelier public pour s’essayer a faire du washi Sugihara. De plus, le magasin des produits de la région sur le bord de route est aussi un restaurant, de nombreux touristes viennent visiter l'institut ! Le groupe parti, je discute un peu avec Fujita-san, surtout à propos des cadre et tamis de façonnage (sugeta) : il y en a une vingtaine, tous distincts de par leur taille, leur maillage et leur âge, pour un usage différent.
Puis, il est l’heure de rentrer. Je remercie chaleureusement Fujita-san pour son accueil, et passe à la boutique de l’institut pour admirer le travail fini des artisans si passionnés par le washi Sugihara (il y a aussi un petit musée du washi). En remontant dans la voiture, que vois-je ? Un bosquet de mitsumata sous les pins sugi. Il me semble que le washi Sugihara n’est fait que de kôzo. Il faudra que je demande une prochaine fois si ces arbustes sont cultivés par l’institut. En attendant, la scène complète joliment cette journée enrichissante.
La nature du papier japonais le distingue des autres papiers occidentaux que l’on consomme habituellement. C’est donc parfois inopportun d’appliquer les caractéristiques de ces derniers au washi. Je vous propose une petite introduction au langage utilisé par les artisans japonais pour décrire les caractéristiques de leurs papiers. En résumé : han, atsu, monme.
]]>Pour s’y retrouver et vous éclairer dans le choix de votre papier, je vous propose dans cet article de faire une petite introduction au langage utilisé par les artisans japonais pour décrire les caractéristiques de leurs papiers. En résumé : han, atsu, monme.
Format (判形 hangata)
La mesure traditionnelle des formats (判 han, -ban) de washi s’exprime en unités de shaku 尺 et sun 寸. Introduit au Japon au 8e via les échanges avec la Corée, le shaku représentait la mesure d’un avant-bras. Aujourd’hui, il équivaut à 30,3 cm (soit 1/33eme de mètre). Le sun équivaut à 3,03 cm, soit 1/10eme de shaku (et donc 10寸 = 1尺). Par exemple, le washi de Sugihara, un des premiers washi, a donné le format “Sugiharaban” de 1尺1寸×1尺6寸 (≈ 36 × 45cm).
Les formats disponibles sont très nombreux et peu standardisés. Ils sont conditionnés par la forme/cadre qui façonne la feuille. A l’origine, chaque artisan fabriquait lui-même ses outils, il y avait donc de nombreux dimensions et pas forcément d’harmonisation entre les fabricants qui étaient majoritairement des paysans pour lequel le washi est un revenu secondaire.
Malgré le manque d'uniformité, il existe quelques formats historiques que les artisans conservent (par ex. Minoban, issu de la fabrication de washi à Mino, Gifu), ainsi que des formats modernes introduits avec l’ouverture du Japon sur l’Occident (par ex. Kikuban, issu d’un format de papier journal importé par une compagnie américaine).
Dans l’ensemble, les formats les plus courants varient autour de 30×40 cm (quelque chose approchant le A3) ou 60×90 cm (nisanban). Le format du washi a au final moins d’importance que le grammage ou la texture car l’utilisateur pourra recouper le papier aux dimensions qu’il souhaite. Il est quand-même intéressant de s’y retrouver surtout si l’on souhaite garder les bords non-trimmés (耳付 mimi-tsuki ; littéralement “oreille incluse”), et aussi pour ne pas être surpris du ratio longueur/ largeur souvent différent du format A standardisé auquel notre oeil est habitué.
D’autres formats décrits sur les pages suivantes :
(JP)http://www.tesukiwashi.jp/p/sunpo.htm
(JP)http://www.washi.biz/index.php?%E5%92%8C%E7%B4%99%E3%81%AE%E5%AF%B8%E6%B3%95%E8%A1%A8
Sugiharaban |
杉原判 |
363mm × 448mm |
Banshi (½ de Sugiharaban; ≠ au Sekishu banshi) |
半紙判 |
242mm × 333mm |
Minoban |
美濃判 |
273mm × 394mm |
Hodomuraban |
程村判 |
333mm × 485mm |
Kyomaban |
京間判 |
980mm x 650mm |
Shikishi (ou irogami) |
色紙 |
182mm × 212mm |
Ni-San-ban (2尺×3尺) |
二三判 |
920mm × 630mm* |
Kikuban (tres utilise pour le papier yuzen) |
菊判 |
636mm × 939mm |
Yotsuban |
四ツ判 |
620mm × 970mm |
*ce format n’est pas fixe et correspond en fait au ratio 2×3.
厚さ Atsusa - Epaisseur
Le terme utilisé pour parler de l'épaisseur d’un washi est 口 kuchi, littéralement “bouche”. Les artisans de washi mesurent rarement l'épaisseur du papier avec précision avec une jauge comme on peut le faire en Occident. Bien que les artisans maîtrisent totalement le procédé de fabrication, on reste dans un métier où c’est la main de l’homme qui mesure, et non une machine calibrée. On définit plutôt de l'épaisseur du washi avec des termes généraux et vagues:
et tous les degrés de variation entre (très 特 toku, le plus/le moins 最 motto sai-).
Il est aussi possible de définir l'épaisseur désirée en parlant de son usage. Par exemple, hagaki (no atsusa) ハガキ(の厚さ), épaisseur “carte postale”, l’artisan comprendra qu’il faut un washi épais (plus que atsuguchi 厚口, “épaisseur forte”). Ces termes étant très relatifs d’un artisan à l’autre, il vaut mieux les utiliser si vous avez déjà tenu en main les washi du fabricant. En fait, plutôt qu’une mesure métrée, les artisans utilisent le grammage pour définir l'épaisseur du washi. Mais là encore, c’est un vocabulaire traditionnel et des notions relatives d'un atelier à l'autre qui sont utilisées.
Grammage (匁 monme)
C’est probablement la mesure la plus pertinente lorsque l’on veut acheter un washi auprès des artisans. Le monme est en fait une (ancienne) mesure de poids japonais qui équivaut à 3.75g. On peut donc quand-même établir des correspondances entre les nombre de monme et le grammage du washi.
Attention cependant, la différence d’échelle dans le grammage entre le washi et les papiers à pulpe de bois est très grande, car le washi est un papier peu dense et donc plus léger. Si vous souhaitez commander un papier au grammage 300g/m2 pour carte postale, l’artisan ouvrira de grands yeux. En effet, un washi rigide comme une carte postale aura un gramme aux alentours de 130g/m2.
Le nombre de monme reflète la quantité de fibres de mûrier/ mitsumata/ gampi/etc. que l’artisan va mettre dans son bac de façonnage pour définir l'épaisseur (ou la main) du washi qu’il fabrique. L’artisan vous comprendra mieux si vous voulez un washi de 6.5匁 qu’un papier 40g/m2. Qui plus est, il peut y avoir quiproquo si vous ne précisez pas que le grammage doit être exact ou “aux environs de”. Encore une fois, et même si certains ateliers utilisent une balance pour peser la quantité de fibres introduites dans le bac, la plupart utilisent leur expérience pour mesurer cette quantité a la main.
Il y existe ici aussi une relativité de la mesure due aux nombreux formats de washi disponibles. Par exemple, si un artisan utilisant avec un petit format Minoban (27×39cm) et un autre le grand format Nisanban (60×90cm) faconnent un washi de 5匁, le grammage de washi sera de :
5匁×3.75g / (27×39cm) = 178g/m2 (de la cartonnette !) pour le Minoban
5匁×3.75g / (60×90cm) = 34g/m2 (un papier tres souple) pour le Nisanban
Il faut donc connaître le format utilisé par les artisans et encore une fois, discuter des usages que l’on veut faire du washi pour s’accorder sur la main (épaisseur/grammage) du papier.
Malgré cet écueil, il y a quand-même une certaine compréhension mutuelle entre artisans dans l’usage du nombre de monme calculée sur la base du format courant approximatif de 60*90cm, reportée dans le tableau ci-dessous.
Correspondance du grammage de washi | Gram JP (匁) | Gram 60*90 (g/m2) |
2〜3匁 Usumino washi, papier restauration, makimono | 2 | 14 |
3〜5匁 washi pour shoji, lanterne | 5 | 34 |
6〜9匁 couverture de livre, papier 2-couches | 7 | 48 |
10〜12匁 enveloppe, papier gaufré | 10 | 68 |
13〜15匁 carte de visite, carte postale | 12 | 82 |
15 | 102 |
Une petite note à l'égard de la mesure 匁 pour les papier de Hariko. L’utilisation du terme monme est inconnu du grand public (a fortiori en dehors du Japon). Je m’efforce donc de parler de grammage dans la description des papiers de la boutique. Cependant, il existe une légère différence dans le grammage d’un arrivage de washi à l’autre (du fait du caractère artisanal de la fabrication évoqué ci-dessus). J’essaie donc de recalculer le grammage à chaque arrivage et le reporter dans la description de produit.
]]>(NB La qualité des images de cet article sont médiocres pour je ne sais quelle raison et sans que je puisse y remédier)
J'aime beaucoup échanger avec les clients, surtout s'ils me donnent un feed-back sur les papiers qu'ils ont reçu de Hariko ou pour des questions sur les ateliers. Ce fut le cas lorsque l’artiste Livia Gos m'a contactée et parlé avec enthousiasme d’un atelier visité à Tsuyama dans la préfecture d’Okayama.
Piquant ma curiosité, une ou deux recherches m’ont aiguillée vers l'atelier Ueda spécialisé dans la fabrication du papier de mitsumata, une des trois plantes avec lesquelles le washi est fait. Pas étonnant car Okayama est une des régions où le mitsumata pousse en abondance ; est d’ailleurs réputé dans tout le Japon le papier à lettre mitsumata de Bicchû 備中 (ancienne province de l’ouest d’Okayama, voisine de l'ancienne province Mimasaka où se trouve Tsuyama et dont le washi était déjà mentionné dans les Chroniques du Japon ...vous suivez ?).
Le hakuaishi
L’atelier Ueda est aussi très connu car c’est le dernier du Japon qui fabrique un washi important pour l’artisanat de dorure à la feuille kinpaku: le hakuaishi 箔合紙, littéralement le papier (紙) entre (合) les feuilles d’or (箔) que l’on utilise pour leur conservation/entreposage. Ce hakuaishi est un washi très fin et lisse pour ne pas meurtrir les feuilles d’or qu’il recueille avant leur utilisation. Non blanchi, avec une teinte jaune crème, il est séché naturellement dans la pénombre de l’atelier sur des planches en bois de cryptomère japonais sugi. Sur ces planches hautes de 2 m et marquées par des années d’utilisation, parfois s’imprime sur le papier le relief des nervures du bois, comme un filigrane apposé par l’artisan.
C’est drôle car j'étais allée quelques mois auparavant dans la préfecture d’Ishikawa très réputée (avec Kyoto) pour son artisanat du kinpaku. J’y avais dégusté une glace recouverte d’une feuille d’or. Voyant la serveuse détacher la feuille d’or d’un carré de washi, je lui ai demandé de me donner ce carré (elle n’avait pas bien compris ma demande inattendue). Après ma visite à l’atelier Ueda, j’ai comparé chez moi le washi Ueda et ce carré précieusement conservé pour observer qu'effectivement, c'était bien les même washi !
Le washi bengara
Un autre washi de l’atelier Ueda, et tout autant en lien avec les ressources naturelles d’Okayama, m’a aussi attiré : le washi bengara (弁柄・紅殻). Bengara est le nom japonais de l’ocre rouge, un pigment d’oxyde de fer utilisé comme colorant depuis la préhistoire (dessins de la grotte de Lascaux !). Le village de Fukiya situé aussi dans l’ancienne province du Bicchû à 50km de l’atelier Ueda, était l’un des principaux lieux de production du bengara au Japon. Depuis 1705, le site produisait un bengara rouge à partir de minerais extraits de la mine d’argent du village.
Pour en avoir eu mis dans la Washi Box, je connais un peu le washi bengara dans les teintes de rouge-rose, ainsi que le fait que le rouge auspicieu soit couramment utilisé pour peindre les temples et les anciennes maisons japonaises. A Kyoto, nombres de machiya ont des bengaragoshi (紅殻格子), des devanture en bois peintes de bengara (et jus de kaki) qui couvre une gamme de couleur allant du rouge vermillon au violet brun. La vibrance du bengara est aussi prisée des artisans potiers de Kutani, Arita et Kyoto. Lors de cette visite, j’ai donc été surprise de découvrir des washi bengara jaunes et verts ! Pourtant la géochimiste que je suis aurait dû se souvenir que le fer peut être rouge, noir, mais aussi jaune ou rouge.
L’atelier Ueda Tesuki Washi
J'arrive à Tsuyama la veille au soir. Etant en Février, j’ai pensé pouvoir assister au kawazarashi, le blanchiment des fibres dans les eaux pures de la petite rivière Yokono qui sillonne dans le village Kami-Yokono (上横野) au nord de Tsuyama. Malheureusement, la pluie de la veille a brouillé la rivière en plus de travaux qui y sont effectués. Pas d’eau pure, pas de kawazarashi, tant pis. Comme je suis en avance, je vais voir les trois belles cascades en amont, une des attractions naturelles de la vallée de Yokono. Il n’y a bien sûr personne, seul le remous des eaux gonflées par les pluies s’entend.
En revenant à l’atelier, je suis accueillie par Shigeo Ueda, 6e génération de l’atelier Ueda établi depuis le début du 19e. Travaillent aussi dans l’atelier sa femme Junko, leur fils Kôshô et sa femme (j’ai oublié son nom !!). Je pense que l’artisan Shigeo doit avoir un peu plus de 75 ans, et c’est principalement les femmes et le fils qui exécutent la majeure partie des travaux. Les activités de cette matinée sont le décollage/ encollage du washi sur les planches de séchage et le façonnage de papier. Je parle principalement avec Shigeo-san dans le bureau de l’atelier, une pièce qui sert aussi de boutique avec des dizaines de washi mitsumata et bengara en exposition : un camaïeu de rouge, rose et gris, une ambiance rose poudré très cosy mais aussi un peu poussiéreuse et désuète. Il y a un vieux téléphone à touche, un ordinateur qui doit avoir au moins 20 ans et des murs défraichis par le temps.
Junko m’apporte très gentiment un café et j’interviewe Shigeo-san sur l’atelier, le mitsumata, son savoir-faire et son approche de l’artisanat. Comme beaucoup d’ateliers historiques, il a hérité celui-ci de son père bien que pendant longtemps, il ait refusé de devenir artisan de washi. Il ne cache pas ce fait, probablement parce qu’il a, au final, appris à aimer le washi et en a fait avec un geste sincère toute sa carrière malgré ses doutes. Je lui demande si la maison en face qui a aussi un chaudron sur le devant est aussi un atelier de washi. Il me répond que non, l'artisan qui faisait aussi du hakuaishi a cessé il y a 10 ans, faute de successeur.
Shigeo-san est très ouvert à l'idée de faire la promotion du washi. C’est surement pour cela qu’il accueille volontiers des visiteurs venu faire un taiken* (*voir plus haut) et acheter du papier. Comme d’autres artisans, il fait le constat que le washi n'intéresse plus les Japonais, que certains n’en connaissent même pas l'existence. Il me dit que les Japonais se rendent compte de la beauté du washi lorsqu’ils voyagent à l'étranger, et qu’ils achètent du washi une fois de retour au Japon ! L’avenir est en dehors du pays et le washi doit se renouveler pour toucher plus de gens. “Mais les Japonais sont très mauvais pour faire de la promotion” (sic!). Je lui dis que la promotion du washi, c’est exactement ce que j’essaie de faire et ce pourquoi je suis ici aujourd’hui, il me remercie.
Après la discussion, je lui demande s’il peut me faire le tour de l’atelier. Il m'emmène au fond de l’atelier où Kôshô, son fils est absorbé dans le façonnage de hakuaishi. Sur fond de radio diffusant de la pop moderne, Kôshô-san enchaîne les puisage, tamisage, re-puisage, couchage, ouverture, fermeture du sugeta, le cadre à tamis. J’ai compris que c'était le seul à faire le papier, il est occupé, concentré à faire le quota du jour. J’ose à peine lui dire bonjour pour ne pas casser le rythme. Mais je le mitraille de photo. Quelle indélicatesse de ma part.
Puis, je passe dans la pièce suivant ou Junko étale des feuilles encore humide de hakuaishi avec un rouleau. Elle me sourit mais elle reste concentrée elle aussi sur l’ouvrage. Dans la principale ou s’entassent les planches à sécher, la femme de Kôshô s’adonne au même ballet rythmé. Sur la face d’une planche à sécher, elle décolle un coin de chaque feuilles de hakuaishi, les décollent entièrement dans un son crépitant, se retourne et les place sur la pile, saisir une feuille humide, la souffle sur la planche, en saisit une autre puis encore une, attrape sa brosse de crin, finit d'aplanir les feuilles sans un pli et entasse la planche dans un rang.
A quelle cadence et combien de fois les gestes de chacun sont-ils répétés dans le seul atelier qui fabrique un washi indispensable pour l’artisanat kinpaku ? L’atelier est vraiment vieux, poussiéreux, si peu modermisé. Il semble qu’il n’y ait pas assez de temps pour faire de la modernité. Quand d’autres lieux ont pu monter une page internet, avoir un email de contact, c’est qu’il y a quelqu’un qui a su trouver le temps pour le faire. Pourtant Shigeo-san est très enclin à cette ouverture moderne. Alors, que faire ? C’est difficile de poser toutes ces questions délicates pour une première visite, j’ai déjà reçu beaucoup aujourd’hui.
D’ailleurs Junko me donne un gâteau “pour la route”, ainsi deux pots de myosotis/ wasurenagusa (l’herbe du souvenir) qui fleuriront magnifiquement un mois plus tard. Juste avant de monter dans la voiture, je remarque deux pieds de mitsumata qui fleurissent différemment. “Oui, celui à grosse fleurs, c’est un pied originaire de Chine, celui avec les petites fleurs, c’est un pied japonais” me précise Shigeo. Même à la dernière minute, j’apprends encore.
Je dois vraiment revenir, les washi façonnés dans l’atelier Ueda sont uniques et ma visite trop courte. D’ailleurs la région est belle et Tsuyama n’est pas dénuée de charme. Il y a un joli quartier de l'ère Meiji du début 20e., et les ruines du château (qui a une tourelle joliment rénovées) sont connues pour les magnifiques cerisiers en fleur. Sans parler des tous les autres attraits de la préfecture d’Okayama… Si vous y venez, passez à l’atelier d’Ueda-san !
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Sur les deux jours passés dans les préfectures montagneuses de Niigata et Nagano, j'ai consacré ma première visite chez Satoko Ueno, une artisane qui façonne le washi de Uchiyama dans son atelier Kamisuki-ya. A la fois atelier et boutique, l'établissement s'appelle aussi "Uchiyama Tesuki washi Taiken no Ie" car on peut s'essayer à faire du washi (taiken = initiation) avec Ueno-san.
Après 30 min de voiture à travers des montagnes encore enneigées, nous arrivons au village de Kijimadaira se trouve l'atelier. Ueno-san m'accueille chaleureusement, elle a un sourire tout naturel. Je suis accompagnée dans ce voyage par ma mère et mon fils d'un an mais qui court déjà partout. Ueno-san me montre un panier plein de jouets pour enfants pour l'occuper un peu. Beaucoup de visiteurs de la boutique sont des familles en vacances à Nozawa-onsen, la station de ski thermale voisine très connue, à deux stations de train de l'atelier.
Et Ueno-san parle anglais ce qui est très pratique car il y a souvent des voyageurs étrangers venant à Nozawa. Ma mère voulant faire l'initiation au washi, je m'occupe de mon fils en attendant. Après le taiken de 30 min, Ueno-san me fait faire le tour de l'atelier et montre les papiers de sa boutique. Il y a de couleurs et de lumières partout, mais aussi d'énormes sphères comme des lunes, pendues au plafond pour finir en luminaires.
Ueno-san me montre aussi un washi tengujo. Les tengujo sont des papiers extrêmement fins qui servent surtout à la restauration d'oeuvre d'art. Celui que fait Ueno-san est incroyable léger, on distingue très nettement chaque fibre de kozo qui le compose. Du washi épais pour faire des hariko au washi le plus fin possible, la gamme de papier que fait Ueno-san est presque infinie !
Ueno-san retourne dans l'atelier où elle fabrique le washi qu'elle vend. Le kôzo qu'elle utilise est récolté dans les villages environnants. C'est un travail collectif des volontaires. Et pour le yukizarashi, le blanchiment des fibres sur la neige ? Après la dépouille du kôzo, et lorsque les premières grosses neiges arrivent, les fibres sont étalées et laissée à blanchir pour la journée. A l'extérieur de l'atelier sur les lanières de kôzo mises à sécher, on peut voir clairement la différence entre les fibres ayant subi le yukizarashi ou non.
(Photo par Ueno Satoko - 2019)
Le washi "kizuki" (100% kôzo) Uchiyama est d'un blanc très tendre dont la couleur ne change pas avec le temps qui passe. Ce qui en fait un excellent papier de panneau coulissants "shoji", et ce depuis l'époque Edo. L'origine du washi de Uchiyama n'est pas confirmé, mais il est possible que la technique de fabrication fut introduite auprès des tribus montagnardes par le samouraï Hagiwara Gizaemon vers 1661 (début de la période Edo).
Gizaemon était protecteur de la famille Asano qui avait des terres à Mino (Gifu), un des berceaux du washi. C'est sans doute en revenant d'un pèlerinage d'Ise via Mino que Gizaemon aurait rapporté la technique de fabrication du washi dans la région de Uchiyama où il a choisi de s'installer. A Mino, la pratique du kawazarashi (blanchiment en rivière = kawa) a longtemps été pratiquée par les artisans de Mino. Mais je ne saurais dire si cela a été transposée pour une pratique sur la neige. Dans d'autres régions très enneigées du Japon comme Niigata, le yukizarashi est aussi pratique pour le washi et aussi pour des teintures de tissus.
Ueno-san a appris à faire du washi auprès d'autres artisans après un apprentissage basique dans une université de Tokyo. Je lui demande si elle connaît Kobayashi de l'atelier Kadoide washi que je visite le lendemain. "Oui, bien sûr ! J'ai appris avec lui aussi. Tu lui diras bonjour de ma part." L'artisanat du washi se fraie facilement un chemin le long des vallées de Gifu (Ueno-san connait aussi Takahashi-san) à Niigata en passant par Nagano.
Ueno-san remonte devant son sukibune, l'énorme bac dans lequel elle façonne son washi. Elle fait quelques feuilles et je prends des photos de ces gestes que j'ai vu des centaines de fois chez tant d'autres artisans. Puis elle me demande : "Est-ce que tu veux essayer?" J'ouvre des grands yeux (je crois qu'ils brillaient de milles éclats) "Faire une feuille dans le bac?" "Oui, essaye. Tu sais comment faire ?" "Euh, non, enfin, vaguement, j'ai juste regardé faire." Elle me dit de prendre sa place et me donne quelques informations sur les gestes. "Tu pousses ça, ça, tu plonges tout droit le sugeta (tamis de façonnage) et tu remontes vers toi." Je m'exécute.
"Mais c'est très lourd ! Ca fait mal au dos!" "Oui c'est lourd, il faut que tu laisses le poids sur les cordes. Maintenant agite d'avant en arrière et droite à gauche." J'essaie de reproduire ce qu'elle faisait quelques minutes auparavant, mais j'ai l'impression d'être gauche. Le résultat n'est pas glorieux, ma feuille est pleine d'irrégularités et de trous; les fibres encore fraîches retourneront dans le bac. Le maniement du sugeta n'est vraiment pas simple à cause de son poids, il faut être très équilibré sur ses pieds. Je comprends un peu mieux pourquoi les artisans semblent si stables quand ils façonnent.
Nous repartons de l'atelier avec des trésors de washi. Le washi yukizarashi de Ueno-san est un papier à la tenue impeccable pour des impressions, des encrages ou le papier marbré suminagashi (d'après les essais de l'artistes Livia Gnos https://www.instagram.com/liviagnos/ ). Malgré un washi imprégné du froid de l’hiver japonais, sa douceur et la chaleur qui en émane est vraiment à l’image de Ueno-san. Le washi comme un miroir des artisanes et artisans.
(lien vers ce papier japonais)
D'autres personnes sont venues à l'atelier pour voir la levée du koshiki, le dôme de l'étuve qui a plu de 200 ans. Ce gros tonneau en bois est un des derniers de son genre et il a été reconnu patrimoine historique du Japon en 2019. Makoto me dit que son entretient est très important car il n'y a plus d'artisan-fabricant capable de réparer ce genre de koshiki (les panneaux de bois sont incurves, pas comme ceux des tonneau actuels). Il a aussi dû apprendre à faire les énormes tresses qui maintiennent le koshiki. Un autre tonneau attend, posé sur des poutres en haut de la grange. Il ne sert plus, il est cassé, irréparable.
Satomi et Makoto se préparent pour la levée du koshiki. Ils préviennent tout le monde que dans un premier temps, ils doivent enlever la bâche plastique qui entoure les branches de kôzo. "C'est pas très photogénique. Il vaut mieux prendre les photo sans. On a aussi fait ça aussi pour la NHK quand ils sont venus filmés la semaine dernière !".
Effectivement, et bien qu'en levant le koshiki la vapeur rende la scène impressionnante, le plastique ne fait pas très joli. Vite, Satomi et Makoto l'enlèvent et replacent le dôme par-dessus les branches qui trempent dans le kama (marmite). Apres 5 minutes, Makoto nous demande de préparer nos appareils car il va à nouveau soulever le dôme, grand moment. Makoto et Satomi savent bien gérer le show !
Dans un grincement de cordes et de poulies, Makoto soulève le koshiki avec beaucoup d'efforts. De grosses veloutes blanches de vapeur s'en échappent vers le toit de la grange. Dans le petit matin froid, la scène réchauffe. Satomi prête main forte pour bloquer le koshiki et défait les lianes qui entourent les branches de kozo. Tour à tour, le couple décharge les ballots vers le kei-tora (petite camionnette) pour les emmener à l'atelier. Il ne faut pas que les branches sèchent trop vite, pour éviter que la dépouille ne soit difficile.
Apres le déchargement, c'est déjà midi. Les autres visiteurs sont repartis, et Satomi me propose de déjeuner avec elle et Makoto. Elle a fait de la soupe miso et du chahan. J'accepte même si j'ai déjà mon bento. A table, on discute beinsûr du washi, des neko house, des nombreux chats que le coupe possède et dont Satomi prend soin comme si c'était ses enfants (c'est surtout Chobi et Bunchi qui trainent dans l'atelier), et de botanique. J'avoue être venue aussi pour voir le washi de mitsumata que Makoto fabrique.
Apres la pause déjeuner, il m'emmène alors devant quelques pieds de mitsumata devant l'atelier pour me donner l'occasion de couper quelques branches et les ramener chez moi. "Tu peux les replanter, ça repousse bien. Tu mets dans l'eau, tu attends que des feuilles apparaissent et ensuite tu plantes dans la terre. C'est rustique le mitsumata, ça tiendra bien." Il me donne aussi un rameau de sane-kazura et du kôzo.
C'est l'heure de reprendre le travail. Satomi me dit qu'ils vont faire le hagi (dépouiller le kôzo), et demande à quelle heure je dois rentrer. En fin d'après-midi, mais d'ici là, je compte offrir mon aide pour la dépouille, je connais un peu. Alors, on s'installe dans un grand atelier où les branches étuvées sont par terre, attendant sous une bâche bleue. Et toujours, une bouilloire pour le thé sur le poêle qui chauffe -un peu- la salle. Je demande à Makoto s'il distingue le kôzo rouge du kôzo vert pour faire le washi. Il me répond oui (mais j'ai oublie pourquoi !).
On dépouillera en compagnie des chats jusqu'a la tombée de la nuit, tout en discutant (mais jamais des grandes conversations, mon japonais est bancale et j'ai parfois du mal à comprendre l'accent de Makoto et Satomi). Il n'est que 17h mais c'est la nuit noire dans les montagne du Kachiji et il fait un froid mordant. Je remercie chaleureusement Makoto et Satomi pour leur accueil, leurs cadeaux botaniques et leur temps a discuter. Je repars vers Hamada et attendant mon bus de nuit dans la gare déserte et le plus grand froid que j'ai jamais connu de ma vie.
J'ai encore découvert un washi rare et précieux qui mérite d'être utilisé par beaucoup. Makoto et Satomi sont des gens merveilleux qui façonnent un pqpier délicat, sincère et pétillant (ils le déclinent aussi en gamme colorée), exactement comme eux. Leur travail et leurs efforts ont été récompensés car leur washi est reconnu patrimoine culturel de Goetsu. Le washi de mitsumata est parfait pour l'impression jet-d'encre ou procédés anciens de photo. J'espère que des artistes pourront en profiter (j'ai quelques feuilles pour les photographes intéressés pour tester ce washi, me contacter).
Sekishu Kachiji Banshi - Atelier 'Kaze no kobo' de Makoto Sasaki et Satomi Iga-Sasaki.
Facebook : https://www.facebook.com/kachijibanshi/
Instagram : https://www.instagram.com/sekishukachijiwashi/
Pour ceux qui sont malheureusement coincés à la maison, je mets en ligne quelques tutoriels de DIY & Idées créatives avec du papier japonais. Ce n’est pas grand chose mais j'espère que cela mettra un peu de couleur en attendant de sortir profiter de la nature.
La réouverture de la boutique s'accompagne d’une période de soldes de printemps comme l'année dernière. Je souhaite faire un réassort et ajouter des nouveaux papiers mais cela pourra attendre je pense - au Japon aussi, on tourne au ralenti.
Jusqu’au 1er Avril (inclus), vous pouvez donc profiter de 20% de réduction sur toute commande sans montant d’achat minimum avec le code SOLDES20. La réduction s’applique automatiquement lors du paiement de la commande.
Qu’est-ce qu’un mame-book ? C’est un livre qui tient dans la main. Mame (豆) veut dire haricot ou fève en japonais, avec l’idée d’être petite taille. Je vous propose de faire un mame-book en triangle assez simple, à glisser dans votre porte-feuille pour des souvenirs toujours avec vous. J’ai trouvé cette idée sur le site kototsubo.com qui propose un atelier de mame-book.
1. Découper deux triangles à 3 côté égaux (5 cm de côté) dans un carton, et habillez-les du washi qui vous plait.
2. Découper une bande de 20x3.8cm dans un papier de votre choix. Marquer 4 longueurs de triangles sur un coté de la bande, et 3 de l’autre. Joindre les points. Couper le surplus de papier aux extrémités.
3. Plier selon les lignes.
4. Coller les triangles de carton sur les extérieurs du papier.
Un origami simple et sympa pour mixer papiers unis et motifs. Video du pliage à voir ici : https://youtu.be/7GR3i2q2iNM
Pour rendre son telephone portable unique, rien de tel que du papier japonais. Le tuto est ici : http://www.chiyogamitouch.com/decorer-son-portable-avec-du-papier-japonais/
Boîte à trésors
Inspirée des travaux de cartonnage, j'ai réalisé ce tutoriel il y a longtemps avec une petite boîte en carton. On peut récupérer n'importe quelle boîte d'emballage.
Tutoriel disponible ici : http://www.chiyogamitouch.com/ma-boite-a-tresors-japonais/
Encore un tutoriel d'origami très interessant pour réaliser une lampe et donner une ambiance japonaise dans la maison. J'ai personnalisé une variante avec une touche ronde de papier yuzen. L'assemblage de fin demande un peu de finesse mais le résultat est bluffant. La video explicative est disponible ici : https://www.paperkawaii.com/origami-lantern-tutorial-japanese-andon-lampshade/
Préparer une colle en diluant : 1 part de colle à papier peint +1/2 part de colle blanche + 1/2 part d’eau.
Prendre comme moule de base une petite assiette protégée de cellophane. Le dos de l’assiette sert de moule (voir le schema). Appliquer des bandes de papier journal/magazine préalablement trempées dans la colle. Laisser sécher la 1ère couche de papier (une nuit ou sèche-cheveux). Appliquer de nouveau 5 à 6 couches de bandes induites de colle. Sécher pendant une nuit. Après démoulage, coller la dernière couche décorative en washi. Une fois le vide-poche bien sec, décorer avec un peu de peinture (acrylique) or et argent et appliquer un vernis.
Cette idée créative est un DIY un peu avancé. J’ai pris l’inspiration dans les petits coffrets de chevet que les geisha utilisent pour ranger leurs produits de beauté. On appelle ceux-ci des keshôbako (化粧箱). Mais la boîte a tout autant son utilité sur un bureau d'aujourd'hui.
Le tutoriel est disponible ici : http://www.chiyogamitouch.com/cartonnage-etagere-a-tiroirs/
]]>Au Japon, pays de montagne, il y a autant de washi qu'il y a de vallées. Les méthodes de fabrication, de la récolte de la plante au façonnage du papier, chaque artisan a sa façon de faire. Et ce, même si le maître et l'apprenti habite dans la même région. C’est ça qui fait du washi un produit de terroir. Mais un même paramètre contraint toutes les méthodes qui doivent s'y adapter : l’environnement dans lequel se trouve l’atelier.
Je fais ce constat chaque fois que je vais visiter un nouvel atelier. Et ce fut encore plus marquant quand je suis allée dans les préfectures de Niigata et Nagano, une région du royaume de la neige ‘Yukiguni’ (雪国). Il y neige entre un (le minimum des années chaudes) et cinq mètres par an, trois mètres en moyenne. Si ces quantités peuvent rendre difficile l'accès aux vallées quand on n’est pas préparé, cela n’empêche nullement la fabrication de washi. Au contraire, les artisans de ces régions ont fait de la neige un outil indispensable.
Afin de blanchir les fibres de mûrier kōzo qui feront le washi, les artisans les étalent sur une surface immaculée de neige. On appelle cela ‘yukizarashi’ (雪晒し), le blanchiment (sarashi) sur la neige, une méthode similaire au kawazarashi (川晒し), le blanchiment des fibres en rivière (kawa). La méthode repose sur le processus chimique suivant : la neige (de l’eau - H2O - cristallisée) en surface fond légèrement au soleil. Grâce à l’action des rayons ultraviolet du soleil, l’oxygène de cette neige fondue est transformé en ozone (O3). C’est cet ozone qui va blanchir les fibres de kōzo car l’oxygène est un puissant agent blanchisseur (il est utilisé par exemple dans l'industrie papetière, les lessives blanchissantes ou pour le blanchiment des dents).
Contrairement au kawazarashi qui n’est plus pratiqué car les rivières ne sont plus aussi propres qu’avant, les artisans procèdent toujours au yukizarashi, la neige étant toujours là, pure. J’ai voulu aller admirer ce procédé par moi-même mais les artisans m’ont déconseillé de m'aventurer sur les routes enneigées en cette période de l’année. J’ai donc dû attendre la fonte d’une partie des neiges fin mars, sans espoir de voir les éventails de kōzo étalés au soleil. Après un calendrier difficile, j’ai pu trouver du temps pour rencontrer l’artisan Kobayashi de Kadoide Washi et l’artisane Ueno-san (Kamisukiya) qui façonne le Uchiyama Washi.
Bien sûr, ces deux visites ont un peu plus enrichi mes connaissances du washi. Mais surtout, j’ai rencontré des artisans qui veulent moderniser l’approche du washi et y attirer un peu plus l’attention en dehors du Japon. Donc, tout espoir n’est pas perdu ! Mais cet effort n’est pas donné à tous les artisans du washi. Il faut plusieurs paires de bras et souvent un peu de jeunesse. Ce voyage m’a aussi conduit de nouveau à Nozawa Onsen réputée pour ses sources thermales irriguant la ville, et Gokayama (j'en parlais ici), un des célèbres villages UNESCO aux maisons en toit de chaume et un des berceaux du washi depuis l’installation du clan Taira au 13e.
]]>En 2017, j’ai contacté Ann et Stéphane après avoir découvert l’univers qu’ils avaient créé dans leur boutique L’Arbre Aux Souhaits. Leur catalogue proposait du papier japonais à motifs mais aussi une collection d’impression qu’ils éditent sous la marque « Le Marquis de Moon ». Le hasard fait qu’ils avaient le souhait de se consacrer à leur maison d’éditions Pappus Editions et étaient à la recherche de nouveaux media papier pour divers projets.
Quelques mois et échantillons de washi plus tard, j’accompagne Ann et Stéphane chez l’artisans Norito Hasegawa dans son atelier à Tottori. Ils souhaitent lancer un projet collaboratif entre illustrateur de talent et papier d’exception. Le washi pour kōzo japonais de Hasegawa-san semble parfait pour leur série de sérigraphie en cours. La visite chez Hasegawa-san au Japon est au coeur du projet de collaboration qui met en avant artiste et artisan.
Je me suis à mon tour rendue dans l’atelier d’impression de Pappus à Brest lors de mon passage en France. J’étais venue faire imprimer mes cartes de visite en papier washi avec une superbe imprimante typographique que Stéphane avait reçu quelque temps auparavant. Une première pour Pappus Editions, qui a été réalisée sans soucis. J'étais aussi venue assister aux essais de sérigraphie pour la collection DREAM DRUM : les portraits d’animaux illustrés par Nathalie Bihan créatrice de la galerie d’art Kuuutch imprimés sur le washi de Hasegawa-san et montés sur cadre à broder.
La sérigraphie, qui est le procédé utilisé pour imprimer les motifs yuzen sur les papiers origami, permet l’impression de graphismes fins monochromes ou colorés. Tout au long du processus, le travail doit être minutieux et appliqué : de la réalisation des pochoirs de trame qui doivent respecter le trait de l’illustratrice à l’apposition de chaque couleur avec une trame différente, particulièrement exigeant avec les presses manuelles à plat pour éviter un décalage des couleurs.
C’est dans ce travail d’impression artisanale que Stéphane montre son savoir-faire (il a voulu recommencer un calage des trames car une couleur n'était pas alignée comme prévu, moi je ne voyais rien de décalé ^^’). Le résultat de ces essais étaient impeccables. Assez pour que je puisse repartir avec un très beau portrait de renard dans son cadre à broder (tout seul dans mon salon cependant). Celui-ci est d’ailleurs disponible sur la boutique en ligne de Pappus Editions, ainsi que trois animaux au regard tout aussi charmeur.
Je trouve très inspiré la combinaison du beau et du décalé (mais pas dans les couleurs !) de cette série qui mélange amour du graphisme, du papier et de l’impression. Je suis très contente (et un peu fière) d’avoir contribué à l'élaboration de ces beaux objets. C’est surtout une nouvelle victoire pour l’usage du papier japonais hors de ses frontières natales. Ann travaille aussi une série (très onirique) de tirage photo en cyanotype sur ce même washi, disponible sur la boutique en ligne HarikoPaper.com.
Retrouvez les Painted Animals de la collection DREAM DRUM sur la boutique de Pappus Editions
Suivez le travail Pappus Edition sur pappus-editions.com , Instagram @pappus_editions et Facebook.
]]>Puis il faudra dépouiller toutes ces branches dès leur sortie de l'étuve. Des milliers de lanières de kōzo (et parfois mitsumata) qui seront ensuite bouillies, grattées, la plupart séchées et mises en réserve, ou bien battue tout l’hiver pour finir en pulpe à papier japonais washi.
La dépouille du kōzo est relativement simple, et tout le monde peut participer. C’est une activité qui rassemble encore parfois les habitants de village, autour d’une bouilloire à thé et des histoires du quotidien. Certains gros récoltants peuvent faire appel à des volontaires woofers, comme c’est le cas de Kashikiseishi ou Tōno washi .
J’ai participé à la dépouille plusieurs fois l’année dernière chez les artisans que je suis allée voir. Ils acceptent souvent bien les bras volontaires pour ces taches faciles. N’hésitez donc pas à proposer votre aide si vous visitez un atelier/exploitant en pleine activité :)
]]>Etant enfermé tout le week-end à cause d'un typhon, j'ai pioché dans les centaines de photo numériques ou argentiques que je prends depuis quelques années. Et j'ai commencé des essais avec mon imprimante jet d'encre très basique (HP Deskjet 3520) sur le washi Tsunagami de l'artisan Okuda.
Kosuke Okuda, le fils d'Okuda-san, est photographe à Kyoto et imprime sur le washi façonné par son père. Certaines des ces impressions sont en vente à la galerie Nagisa, et j'ai eu envie de faire la même chose avec le washi dispo sur Hariko. Par ailleurs pour cet essai, mon imprimante est celle de monsieur-tout-le-monde, j'ai donc fait au plus simple pour que chacun ait envie de s'y mettre aussi.
Photographie couleur
J'ai commencé par imprimer des photo couleur sur le Tsunagami original, un washi non-blanchi mais pas teinté. J'ai légèrement éclairci les clichés (sous Lightroom mais possible à faire sous un logiciel qui affiche les photo) avant de lancer l'impression, anticipant que les couleurs seraient assombries par une impression 'optimale'. Lorsque les images sont sorties de l'imprimante, j'ai été bluffée et très émue du résultat.
Okuda-san façonne le Tsunagami avec du kôzo sauvage dont les fibres ont un beau reflet nacré et soyeux. Etant donné qu'il bat les fibres à la main, celles-ci restent relativement longues dans la matrice du papier. Leur lustre est donc préservé sur les images imprimées. Et cela rend les photo tellement... vivantes ! Les fibres accompagnent les mouvements ou le contour des formes. Et leurs reflets nacrés illuminent la photo selon l'angle observé. Regardez! On l'impression que les fleurs cosmos dansent !
Photographie noir et blanc
A contrario, comme le Tsunagami a tendance à réfléchir la lumière, il n'est pas très dynamique et ne rend donc pas de profonds noirs (voir photo du pin sur fond de mer). J'ai quand-même fait des essais de photo noir et blanc sur le Tsunagami jaune orangé.
J'ai volontairement choisir d'imprimer sur ce papier des photo prises sur film avec du grain et peu de contrastes (Ladygrey 400, Fujicolor 400 pour les photo avec un vélo...-!- ) ou avec un thème "rétro" (photo de moi en kimono), l'idée étant de créer un feeling sépia. Et je trouve ce coordonné est très réussi !
Je n'ai pas remanié les photo, à part pour les désaturer (Fujicolor 400), une opération qui peut aussi être oblitérée en imprimant directement en noir & blanc. Après, pour accentuer le côté vintage des impressions, c'est possible d'abaisser un peu la netteté et le contraste des images. Cela rappelle les appareils du début du 20e. (1920, 1930, etc...) comme celui que je tiens à la main sur la photo en kimono. Et choisir un cadre de photo chiné en brocante :)
En résumé
Imprimer sur le Tsunagami avec une imprimante basique est un vrai coup de coeur ! Je suis conquise par le résultat. Biensûr, le choix d'imprimer sur un papier avec tant de texture est histoire de goût. J'ai sélectionné des photo qui s'accorderaient bien avec la nature du Tsunagami auxquelles il donne un véritable mouvement et un aspect "photo d'auteur".
Le washi en lui-même n'est pas prise de tête. Pas (ou si peu) de retouche à faire sur les photo, juste un léger éclaircissement pour certaines. Ni même de réglages compliqués sur l'imprimante: impression sur "papier normal" avec la qualité d'impression "optimale".
Le papier étant très satiné et texturé, il est plus adéquate pour des photo avec des jolis aplats de couleurs claires à saturées. L'impression des détails n'est absolument pas compromise pas la texture (sous réserve que la résolution des images soit a minima 300dpi ou une taille suffisante pour l'impression).
Le Tsunagami a une belle main, il est dense mais fin, ce qui fait qu'il passe sans problème dans l'imprimante sans bourrer. A noter, le washi a deux faces, j'ai privilégié le côté le plus lisse bien que les deux soient imprimables. Maintenant, à vous de l'essayer.
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Parmi les trois plantes à papier japonais, le gampi (雁皮) est celle dont on parle le moins. C’est pourtant la splendeur du papier gampi (gampi-shi) qui a séduit les Portuguais évangélisateurs arrivés au Japon au 16e. Façonné depuis l’époque Heian, le gampi-shi est un washi très noble et délicat, dont la texture extrêmement fine est prisée des artistes graveurs et photographes.
La raison de la rareté de ce washi réside dans le fait que la plante ne se pousse qu’à l’état sauvage dans les conditions spécifiques d'un sol pentu et bien drainé, et seulement quelques régions montagneuses ensoleillées du Japon (Okayama, Ishikawa, Shizuoka ou Yamanashi).
J’avais eu l’occasion de façonner un papier fait à partir de gampi lors d’un atelier public à Najio (près de Kobe), un des derniers villages où l’on fabrique des papiers gampi. Malgré cela, le gampi restait une plante mystérieuse, et je n’avais vu jusqu'alors qu'un arbuste dépouillé lors de ma visite chez Sasaki-san (Kachiji-banshi) à Shimane. C’est au hasard de mes recherches sur la plante que je suis tombée sur un poste instagram proposant un atelier public sur le gampi, à une date proche dans une préfecture proche. Très belle occasion d’en savoir à nouveau un peu plus sur le gampi !
L’atelier était proposé par Mika HORIE, une artiste photographe qui travaille des cyanotypes, un procédé ancien de photographie utilisant des produits photosensibles à base de fer. Elle fabrique elle-même son gampi-shi qu'elle utilise pour imprimer ses compositions inspirée de la nature. Son travail est très organique. Mika était en showcase à la papeterie Kamiji Kakimoto (Kyoto) durant Kyotographie 2019. Et elle a aussi exposée en Juin/Juillet à Paris (pendant que j'y étais) et Arles.
J'avais malheureusement manqué ces 2 événements. Mais le hasard faisant bien les choses, je participais donc à son atelier de gampi-shi. J'avais vraiment hâte de la rencontrer et d'en apprendre plus sur le gampi grâce à cette rencontre. Beaucoup de sensibilité et de nature semblait émaner de Mika et son travail. C’était aussi une très belle occasion de visiter la préfecture d’Ishikawa et la péninsule sauvage de Noto. Il est dit que la cuisine de Noto est un des plus délicieuse du Japon.
***
J’ai passé la première nuit dans un hôtel à Yamashiro près de Kaga, et profité des onsens toute la soirée. Le vieux bain public Koso-yu à l’architecture de bois est accessible depuis l’hôtel. J’étais seule pour profiter de cette atmosphère début du siècle dans une salle qui sentait bon le pin. L’atelier avait lieu le lendemain matin dans le village voisin de Komatsu. Arrivée sur place, Mika m’a chaleureusement accueillie et nous avons commencé l’atelier.
Après une petite introduction au washi et la place du gampi dans la région d’Ishikawa, les participants se sont attelés à la dépouille du gampi. C’était la première fois que je voyais comment faire. Contrairement au kôzo ou au mitsumata, le gampi récolté ne passe pas à l’étuve pour séparer l’écorce du bois. Cela est fait directement après que la plante eût été coupée et avant que l’écorce ne sèche.
Cela évite du travail d’étuvage direz-vous. Mais c’est sans savoir qu’après cela, il faut tirer les fibres qui feront la pulpe à papier presque une à une de l’écorce. Et c’est là que le travail devient fastidieux car les branches de gampi sont assez fines avec des noeuds qui rendent cette tâche difficile. C’est un travail long mais rendu tout doux par le toucher des fibres du gampi. Comparées à celles plus rustiques et plus longues du kôzo, ces fibres sont comme de la soie et forment un duvet nacré au creux de l’écorce.
Tout en bavardant, nous tirons les fibres pendant 40/45 min pour un résultat finalement assez maigre. Mais Mika nous dit que nous avançons vite et bien pour une première expérience ! Ce ne sont pourtant pas ces fibres que nous utiliserons pour la suite. Comme pour le kôzo et le mitsumata, il faut “cuire” les fibres après le dépouillage et retirer à nouveau les impuretés restées avant de pouvoir en faire de la pulpe à papier. Tout cela prendrait quelques jours, alors Mika nous sert des fibres déjà prêtes que nous allons passer au battage.
Après une petite concertation entre participants, nous décidons de faire une pulpe à papier avec fibres longues et courtes. On se met à la tâche en frappant les fibres mouillées au maillet plus ou moins fort et longtemps. Depuis le début de l’atelier, je m’émerveille sur la douceur des fibres du gampi. En les tenant entre les doigts et en les frappant, on peut sentir à quel point celles-ci sont bien différentes du kôzo.
Le battage terminé, Mika récupère les fibres et les mélange dans le bac de puisage. Elle est très étonnée de la pulpe produite de la collaboration entre participants, à la fois fine et consistante. Elle nous explique qu’il n’y a pas besoin d’utiliser de “neri”, un mucilage (comme le tororo aoi) qui aide à la formation de feuille de washi. Les fibres du gampi sont tellement fondantes (toromi) que celles-ci flottent librement sans retomber au fond du bac. Alors que la main de Mika disperse délicatement les fibres dans le bac, on se rend bien compte de cette caractéristique.
Chaque participant puise sa feuille de gampi avec plus ou moins d'habileté, selon les explications de Mika. Mika trouve captivant les motifs de vague apparus sur nos feuilles, qui sont pourtant le reflet d’un façonnage loin d’être maîtrisé. “Mais c’est une texture intéressante si le papier devait recevoir une photographie.” Je lui demande si elle essaie de matcher ses photo avec les papiers qu’elle a façonnée. “Cela dépend mais effectivement, j’essaie de trouver une harmonie entre le sujet et la texture du papier.” répond-elle.
***
Je reçois mon washi quelques jours plus tard des mains de Mika venue en visite à Kyoto. Mon papier est quelconque mais la douceur et le lustre nacré qui s’en dégage sont exceptionnels. Le son aussi, claquant et sec. Je comprends pourquoi le gampi-shi était alors si prisé de la noblesse japonaise et a su éblouir beaucoup d’Occidentaux. La visite de Mika est une nouvelle occasion d'en savoir d’avantage sur son travail. Nous nous rencontrons au café ‘mememe’ qu’elle affectionne pour discuter de son intérêt pour la photographie cyanotype et son choix de travailler le gampi. A suivre...
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1ère partie du récit ici : Visite de l'atelier de Sekishû Kachiji Banshi - 1
Depuis Kyoto, je me rends pour à peine 24h à Hamada dans la préfecture de Shimane. Arrivée la vieille après 6h de bus, tôt le lendemain, je roule en direction de l'atelier Kaze no Kôbô, traversant les forêts de la région. Sur place, je fais le tour des bâtiments à la recherche de quelqu'un. Je vois 2 gros chats qui dorment dans une pièce. Je continue à faire le tour vers une grange où il y a du monde.
"Bonjour, je suis Emilie, je viens voir Sasaki-san".
"Ah, bonjour, c'est moi ! Makoto Sasaki."
Après les salutations d'usage, je suis un peu gauche. C'est toujours pareil : par où commencer la discussion ?
"Je vais vous montrer la boutique." me dit Sasaki-san.
Oui, bonne idée, ça me donnera un aperçu du papier qu'y est façonné.
On rentre dans la boutique qui expose papiers et historique de l'atelier. Sasaki-san commence sa narration - je sens le discours bien rodé, mais l'historique reste impressionnant. Makoto me raconte qu'il a hérité l'atelier de son oncle (famille Harada) qui n'avait pas de successeur. Aujourd'hui, l'atelier est dirigé par lui et Satomi, sa femme. Tous deux sont deux artisans fabriquant le Sekishû Kachiji Banshi. Makoto est la 6e génération de l'atelier qui remonte probablement à l'époque Muromachi (14e-16e). Ses grand-parents y travaillaient aussi. Seiichi Harada (le grand-père) confectionnait un tissu de washi qui fut reconnu par Soetsu Yanagi, le fondateur du mouvement Mingei (Arts & Crafts japonais). Isono Harada (la grand-mère) façonnait, elle, un des meilleurs Sekishû Banshi de la région.
Sasaki-san me précise que lui et Satomi façonnent du Kachiji banshi, un washi plutôt local. Je demande la différence avec le Sekishû banshi (reconnu UNESCO). L'histoire du banshi et des différents domaines de la région est en fait complexe, remontant à quelques 1000 ans en arrière. Qui plus est, les frontières des anciens villages producteurs et l'histoire de l'atelier (depuis les Harada) se sont brouillées. Des rivalités entre les clans, les Hamada, les Tsuwano, le Goestu, le Oochi-gun, les noms changent au fil des époques. Ici aussi, l'isolement des montagnes semble avec un impact important dans la façon dont le washi est fabriqué. Au Japon, on trouve autant de washi qu'il y a de vallées...
Et donc, la différence du Kachiji avec le Sekishû banshi de l'UNESCO? Tout (ou presque). Sasaki-san utilise une technique de façonnage apprise auprès des artisans de Kochi, au rythme particulier bien différent des ateliers renommés comme Kubota. "Chakasu kapon! Chakasu kapon!" Sasaki-san se mime en train de manier le sugeta (cadre pour façonner le papier). Avec ce rythme, les fibres se croisent et s'entrecroisent en X dans la matrice du papier. Le temps passé à façonner chaque feuille est plus long mais le washi est fin et très résistant. "Avec toutes les commandes qu'ils reçoivent, ils n'ont pas le temps d'utiliser cette technique chez Kubota." Ils utilisent la technique de façonnage en nagashi classique et les fibres de kôzo s'alignent de haut en bas de la matrice de papier.
Du coup, je trouve le Kachiji banshi de Makoto plus personnel, plus vivant. A défaut d'être connu dans le monde entier et de crouler sous les commandes, Sasaki-san a le temps de façonner un washi mature. Il essaie aussi de re-développer un fil fait de washi, comme le faisait son grand-père. Et Satomi, amoureuse des chats, confectionne les "Neko House", des panières pour matous faites de washi ultra-solide et 100% naturelles pour ne pas s'intoxiquer les moustaches. Au final, Makoto et Satomi profitent d'un héritage historique sans pression et pratiquent leur métier avec passion et amusement. Pas besoin d'agent manager.
Après 3/4 d'heure de discussion dans la boutique, Sasaki-san me dirige à l'extérieur vers un petit jardin où il fait pousser un bon nombre de plantes qui servent à la fabrication du washi. Il y a biensûr des pieds de mûrier à papier kôzo, fraîchement coupés, ainsi que des buissons de mistumata, l'autre "arbre à papier". Je lui demande "Et le gampi ?" Il m'explique que cette plante ne pousse qu'à l'état sauvage et qu'elle ne peut pas être cultivée. Puis il me montre du nori-ustugi (lire Le Washi Udagami) qui sert de liant-colle comme le tororo aoi. Il reste des fleurs en pompons. "C'est la même famille que des chrysanthèmes ?" "Oui, c'est ça." Puis il me dit "Tu connais ça ? C'est du sane kazura. Ca sert aussi de colle comme le tororo aoi. Et ça se mange." La plante n'est plus de feuilles mais il reste un fruit comme une framboise à gros grains. Mais je ne tente pas. Je suis adminrative de ce petit jardin du washi, et des connaissances de Sasaki-san. Un artisan du washi est aussi un jardinier et botaniste...
Mistumata (Arbre à Papier)
Après cela, Sasaki-san me dirige vers la grange où lui et Satomi s'activent depuis 8h ce matin. Ils ont démarré le "sodori", l'étuvage des branches de kôzo, il y a près de 2heures; il est bientôt temps de les sortir de l'étuve. Il me promet une scène authentique avec la levée d'un dôme de 200 ans, presque comme à l'époque. J'espère alors capturer de beaux instants pendant cette occasion unique.
Dans ma grande quête d'en connaître toujours plus sur le papier japonais, il me paraît indispensable d'y inclure les trois grandes régions du washi qui ont été reconnus patrimoine mondial par l'UNESCO. Celles-ci sont :
Je m'étais déjà rendue à Mino en Octobre 2018 pour le Sommet du Washi 2018 durant lequel j'ai rencontré Mayumi Takahashi qui façonne notamment du hon-mino washi. J'y ai aussi fait la rencontre de Aya Kubota qui faisait partie des intervenants du sommet. Aya façonne du Sekishû Banshi dans l'atelier renommé de la famille Kubota.
Aya Kubota (gauche) et Mayumi Takahashi (droite) - Mino, Gifu, 2018.
La caractéristique de ce washi est que, lors de la préparation du mûrier à papier kôzo, les artisans n'éliminent par les fibres vertes de l'écorce (amagawa) lors du grattage après étuvage des branches (lire l'article sur l'étuvage ici). Ces fibres vertes plus courtes iront combler les interstices entre les fibres blanches plus longues, ce qui confèrera une résistance supplémentaire (et une très légère teinte verte) au papier. D'où sa renommée.
Aya Kubota (au micro et en photo) lors du Washi Summit 2018, Mino, Gifu.
Aya Kubota est une femme très avenante mais - surement malgré elle - avait un peu un statut de star lors du sommet. J'avais voulu l'approcher et échanger quelques mots pour une future visite mais c'est directement son père qui a pris le relais. "Envoyez-moi un email pour votre demande !" m'avait-il dit en me tendant sa carte de visite. Ca m'avait un peu refroidi. Mais il fallait bien que je me rende un jour à Sekishû pour le washi !
Ce jour est venu en Décembre l'année dernière, après quelques recherches sur internet à propos des ateliers washi de la région Sekishû. Décembre est la pleine période de la récolte du mûrier à papier et de la mise en étuve des branches récoltées. Et dans cette région, l'artisan Sasaki qui fabrique le Sekishu Kachiji Banshi procède encore à l'étuve avec un dôme datant de l'ère Meiji (1868-1912) ! Il fallait que j'aille voir ça; même la NHK en avait fait un reportage. J'ai donc contacté avec l'artisan qui m'a dit que le dernier "sodori" (étuvage) de l'année aura lieu dans la semaine d'après !
Rendez-vous pris, j'organisais mon voyage à Shimane vite fait. Hop! Bus de nuit, hôtel et voiture étaient réservés. Mon ego ayant accusé le coup pour Kubota, j'allais visiter un atelier de Sekishû, un peu moins rancunière que quelques mois auparavant. Mais je ne savais pas que cette visite chez l'artisan Sasaki allait être bien plus riche que je ne le pensais.
Lire la 2ème partie du voyage : https://harikopaper.com/blogs/blog/sekishu-kachiji-banshi-2-visite-atelier-papier-japonais-washi
]]>Lire "Retour à Tottori - 1" ici.
Lire "Retour à Tottori - 2 - Dans l'atelier" ici.
Lire mon 1er voyage à Tottori ici.
Le lendemain de mes retrouvailles avec Hasegawa et la visite de son atelier pour Ann & Stephane de Pappus Editions, nous sommes de nouveau allés au village d'Aoya pour voir le Ayoa Washi studio. C'est à la fois un centre d'expo et un gros atelier de washi. On y vient pour acheter du papier de la région, voir l'exposition en cours en lien avec le washi et faire un atelier de fabrication de washi. Même sans rendez-vous, nous avons pu faire l'atelier "kami suki" (faire du papier).
C'était ma seconde fois à l'atelier, durant lequel on peut faire une feuille en gampi, une des trois plantes majeures qui sert à faire du washi (les deux autres étant le mûrier à papier kôzo et le mitsumata). Les ateliers de kami suki à travers le Japon sont un peu tous pareil, mais c'est toujours amusant. Et biensûr, on améliore sa technique un peu plus chaque fois qu'on en fait un ;) Nous avons donc passé une petite heure à faire du papier. Puis notre hôte nous a fait faire le tour des lieux.
Dans l'atelier de l'Aoya Washi Studio, il y a tout l'équipement pour faire du washi comme les pro. Et du coup, je pose la question à notre hôte : est-ce que les machines sont à louer ? Le studio est-il aussi un centre de formation ? Il semblerait que oui, on puisse venir utiliser l'équipement soit pour soit, soit pour des séminaires. Hasegawa-san vient d'ailleurs en faire de temps en temps. D'accord. Mais toujours cette question difficile à élucider : auprès de qui apprendre à s'en servir ?
Après l'atelier, on fait un tour dans la très belle boutique du centre. Presque tous les washi fabriqués dans la région y sont vendus : washi pour caligraphie, biensûr, usage premier du washi Inshû, mais aussi pour dessin/croquis, impression photographique, porte coulissant shôji, luminaires, washi colorés, washi à texture etc. Il y a même un énorme cerf-volant en washi Inshû puisqu'il y a encore des artisans de wadako (cerf-volant japonais) à Kurayoshi, et que le studio propose un atelier de fabrication en Janvier (on fait généralement voler les wadako durant le Nouvel an pour les enfants).
Cette matinée consacrée au washi Inshû était aussi l'occasion de faire quelques photo des mitsumata qui sont en plein floraison début avril. Les ponpons de fleurs jaunes dans cette vallée bleue sont toujours aussi beaux. J'espère en voir des rouge un jour. J'explique aussi à Ann et Stephane que mitsumata veut dire trois (mitsu) branches (mata) car la plante se divise toujours en trois aux jonctions. Ils sont fascinés !
En revenant vers Tottori, nous décidons d'aller faire un tour aux dunes, car cela me semble indispensable. Attraction majeure de la préfecture, ces immenses dunes de sable sont un vrai mirage : le sable ocre coupe net entre ciel cobalt et mer turquoise. Mais à l'horizon, on aperçoit les rangs de montagnes avec des sommets encore enneigés. Pendant une fraction de seconde, les pins de la côte prennent une forme de palmier. Le désert au Japon. Et des petits points de gens qui montent et descendent sur le sable. Il y a aussi une attraction de dromadaire et chameaux. Tous les trois, on prendra en pitié autant les bêtes que les touristes faisant un tour de 20 m à peine sur leurs dos. Il est malheureusement l'heure de rentrer.
Au revoir Tottori bleu.
]]>Lire "Retour à Tottori - 1" ici.
Lire mon 1er voyage à Tottori ici.
Nous avons loué une voiture pour se rendre à Tottori car notre séjour était bref (2 jours seulement); il ne fallait pas perdre trop de temps dans des transports assez rares de la région. La ville de Tottori est elle-même bien desservie, mais en dehors, cela reste la campagne. C'est un peu le critère essentiel pour faire un papier washi de qualité : le façonner dans un environnement loin de la pollution.
Nous sommes arrivés à chez Hasegawa-san en début d'après-midi et il a tout de suite fait visiter son atelier. Yutaka, son fils, était aussi là, penché sur le bac à pulpe à façonner un washi de gampi. Hasegawa-san commence les explications sur ce qu'est le washi, montre le kôzo qu'il utilise et le processus de fabrication. Je traduis pour Ann et Stephane.
Dans la pièce voisine, la femme d'Hasegawa est au poste de séchage du washi : sur un grand teppan (plaque de métal) chauffé à 100°C par de la vapeur, elle étale les feuilles une à une et les lisse à l'aide d'une brosse en crin de cheval. Cela fait 30 ans qu'elle l'utilise. Elle nous montre une autre brosse, faite de panicules de riz. "Il y a longtemps, les artisans utilisaient ça."
Hasegawa-san finit son tour de l'atelier et fait une démonstration de façonnage de washi. Ann et Stephane ne perdent pas une miette de la scène. Ann trouve qu'Hasegawa-san est dans une sorte de méditation lorsqu'il façonne le papier avec les mouvements de va-et-vient.
Du kôzo très blanc est en train de tremper dans un bac. Je demande à Hasegawa-san si c'est du kôzo qu'il a cultivé. "Non, c'est du kôzo thaïlandais. Il n'y a pas assez de kôzo au Japon pour assurer la production nationale de washi. Le washi produit au Japon, je le garde pour faire du washi de haute qualité." Il nous emmène hors de l'atelier où des écorces de kôzo 'Made in Japan' encore brutes trempent en attendant d'être grattées.
Il en attrape une et avec un couteau, rape la partie noire (onigawa) et verte (amagawa). Je lui dis que j'ai visité un atelier de washi Sekishû récemment dans la préfecture voisine de Shimane; là-bas, les artisans gardent cette partie verte qui rend le papier plus résistant au final. "Oui, on fait ça aussi pour le washi Inshû. Il pleut beaucoup à Tottori, et les ombrelles japonaises (wagasa) y étaient fabriquées avec le washi Inshû. Pour rendre ce papier solide pour l'usage sur les wagasa, la partie verte de l'écorce est laissée."
En entendant cela, un déclic se fait dans ma tête: c'est vrai qu'un des objets emblématiques de la préfecture de Tottori est l'ombrelle pour le festival Shan-Shan. Y a-t-il d'autres procédés de fabrication du washi qui s'échangent d'une région voisine à l'autre ? J'ai encore tellement à apprendre sur le washi. Cette nouvelle visite chez l'artisan montre qu'une seule fois n'est pas assez pour connaître le washi local :)
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Ann et Stephane sont des vrais créatifs et des artisans de l'impression en sérigraphie et typographie comme on aime; je les ai approchés il y a 2 ans en leur proposant le washi fait-main comme nouveau support d'impression. Tous deux connaissaient déjà un peu le washi car ils tenaient alors la boutique L'Arbre aux Souhaits dans laquelle on pouvait acheter du papier yuzen à motifs.
Le timing de notre rencontre coïncidait avec leur envie de développer pleinement Pappus Editions et ses marque associées comme le Marquis de Moon. Intéressés par l'idée d'utiliser des washi faits-main, on a donc discuté des types de papiers qu'il recherchaient; ils ont ensuite passé commande de plusieurs washi sur Hariko pour des essais dans leur atelier de Brest, Ann souhaitant faire de la sérigraphie et Stephane ayant acquis une Heidelberg pour de la typographie/letterpress.
Après quelques temps, Ann m'a contacté pour me dire qu'ils étaient satisfaits des essais sur les washi façonnés par Hasegawa-san. Préparant un voyage au Japon pour Avril et dans le cadre d'un nouveau projet pour Pappus Editions, ils souhaitaient rencontrer Hasegawa-san lors de leur séjour. J'étais ravie de leur enthousiasme et la perspective de les emmener voir le village d'Aoya. Quelque part, le projet d'Ann & Stephane me rassurait que ma démarche sur Hariko fasse sens : la réunion d'artisans de papier japonais et de créateurs hors Japon.
→ Episode 2 : "Dans l'atelier"
]]>A l'heure où l'inégalité homme-femme au travail au Japon est souvent évoquée (se référer à la "Womenomics"), le problème ne se pose a priori pas dans le secteur de l'artisanat washi. La proportion de femmes est aussi égale que celle des hommes, et bon nombre d'entre elles sont à la tête de leur propre activité.
Aya Kubota (gauche - Sekishu Kubota Washi) et Mayumi Takahashi (droite - Kamisuki Takahashi)
Pour le cas d'un atelier familial, c'est fréquemment le schéma du couple homme-femme qui exerce l'activité. Et bien souvent, l'homme est l'artisan principal, c'est à dire celui qui a appris à fabriquer le washi. Mais la présence de femme est quasi-constante, et cela, à toutes les étapes de la fabrication du washi.
C'est ainsi par exemple pour l'atelier Fukunishi Hompo, où, excepté pour le façonnage du papier produit par l'artisan reconnu Masayuki, Hatsumi, sa femme, procède à la récolte des plantes à papier, la dépouille, la cuisson des fibres etc. jusqu'à la vérification de la qualité des papiers commandés. Mais sans aucun soucis, Hatsumi sait aussi façonner le washi !
Hatsumi Fukunishi
J'ai aussi pu observer que la répartition de tâches se fait aussi en fonction du travail physique. Chez le couple Okuda de l'atelier Shoroku, l'artisan Yoshiharu étuve le mûrier, un travail en extérieur à soulever les fagots, tandis que Emi s'occupe de l'étape du grattage/nettoyage des fibres dans l'atelier. Mais tout deux travaillent côte à côte à la dépouille quand les fagots sortent de l'étuve. L'intérêt de travailler en postes variés permet de gagner du temps sur la préparation des fibres pour la pulpe à papier.
Yoshiharu Okuda et Emi Okuda
Il existe aussi des ateliers où l'homme et la femme façonnent le washi. Chez le couple Sasaki, Satomi et son mari Makoto produisent tout deux les washi de l'atelier, mais chacun façonne des papiers différents. Makoto étant l'artisan héritier, c'est lui qui façonne le washi d'appellation locale. Lors du "sodori" (ou kôzo mushi), mise à l'étuve des plantes, le maniement de la cuve à étuve requiert au moins 2 personnes. Satomi sort alors les muscles pour cette opération.
Satomi Sasaki (Sekishu Kachiji Banshi) lors du "sodori", étuve des branches de kôzo sous cloche.
Dans les ateliers plus importants où plusieurs artisans travaillent, on peut compter autant de femmes que d'hommes à fabriquer le washi. A Gokayama Washi par exemple, la production de washi est assurée par autant d'hommes que de femmes. Il en est de même chez Awagami Factory, une très grosse papeterie qui fournit le monde entier. La mixité des équipes de fabrication montre que le façonnage du washi n'est pas un apanage masculin.
Ainsi la représentation féminine dans l'artisanat du washi trouve naturellement sa place. La raison est peut-être due aux origines paysannes de l'artisanat, quand chaque maison fermière (ou presque) produisait du washi en hiver en attendant le retour du printemps et la reprise des travaux agricoles. La manufacture du washi comme ces travaux requerraient le labeur d'un famille, voir d'une communauté - il n'est pas rare d'observer la réunion d'habitants d'un village pour procéder à la récolte ou la dépouille du kôzo, par tradition.
Au niveau de la représentation de l'artisanat du washi sur la scène mondiale, on pensera d'abord artisan et non artisanE. Sauf qu'il n'en est rien car beaucoup de femmes produisent des papiers d'une qualité extraordinaire. Et au récent symposium sur le washi artisanal qui a eu lieu à Mino (Gifu) en Octobre, 2 des 3 artisans représentant les trois washi inscrits à l'UNESCO étaient des femmes. Donc, good job aux organisateurs pour avoir choisi ces profiles.
Makiko IWANO - Présidente de la Papeterie Iwano Heizaburo
(Photo : Fukui Shimbun)
Et même si la manufacture du washi n'est pas un métier facile, je pense qu'aucun des artisans et artisanes n'en dit que c'est un métier d'hommes. D'ailleurs, la légende du washi au Japon relate que c'est une femme chinoise ou coréenne qui aurait appris aux habitants d'Echizen, un des berceau du washi, à faire produire le papier à partir du mûrier kôzo. Cette figure est aujourd'hui vénérée comme la déesse du papier.
Quelques femmes artisane du papier japonais washi à suivre sur Instagram :
https://www.instagram.com/kamisuki.takahashi/ - Mayumi Takahashi
https://www.instagram.com/kaminntyu/ - Yuki Matsuo
https://www.instagram.com/satomiiga/ - Satomi Sasaki
https://www.instagram.com/yukari__sato/ - Yukari Sato
https://www.instagram.com/washi_letal/ - Naoko et Satomi
https://www.instagram.com/kmy_sakuzen/ Naoko Shibuya
https://www.instagram.com/yanagawa_azumi/ - Azumi Yanagawa
]]>Je n'ai jamais véritablement assisté à tous les travaux de fabrication du washi, de la récolte au façonnage. Alors quand mon feed Instagram a commencé à se remplir de posts d'artisans ayant commencé la récolte, hop ! J'ai contacté Okuda-san qui fabrique le washi Tsunagami, car je sais qu'il récolte et traite lui-même son kôzo.
J'arrive chez Okuda-san et sa femme Emi-san assez tôt dans la matinée, pensant aller couper le kôzo avec lui. Mais il a déjà procédé à une bonne récolte il y a deux jours, donc aujourd'hui ce sera mise à l'étuve des fagots et pelage des branches étuvées. On retournera dans les champs demain matin pour récolter à nouveau, et il promet de me faire du papier aussi. Je suis toute contente !
A peine le programme annoncé, Okuda-san et Emi se replongent dans leurs tâches. Alors, je suis invitée à prendre mon appareil photo (je suis là pour ça !) et à sortir dans le jardin. Dehors, le foyer du kamado crépite et de la vapeur fume. Okuda-san alimente le feu et on entame la discussion. C'est agréable cette chaleur dans le matin frais, je pensais que j'aurais plus froid.
Puis les fagots semblent être prêts pour la dépouille. Retour dans l'atelier où l'on prépare les couvertures pour envelopper et garder humides les branches. Okuda-san amène le fagot d'une centaine de branches, le couvre, défaits les liens et c'est parti pour la dépouille.
Je prends des photo mais je me dis que je pourrais tout autant aider, il y a beaucoup de travail à abattre aujourd'hui. "Est-ce que je peux aider ?" "Ah oui, biensûr !" "Mais je ne sais pas comment faire. Vous pouvez me montrer?" "Oui. Tiens, utilise des gants. Tu prends la branche par ce bout épais, puis tu tords l'écorce comme ça. Là où ça s'ouvre, tu pèles tout du long en tirant."
Je prends ma première branche dans les mains. Elle est encore tout chaude, ça fait du bien, ça réchauffe. Je procède comme il m'a dit. Ca va, ça n'est pas trop compliqué, c'est juste un coup de main à prendre. Parfois, il y a des noeuds dans l'écorce alors le pelage est un peu chaotique. Okuda-san travaille beaucoup plus vite que moi. Je n'ai fait que trois branches, lui, déjà dix.
Puis Emi-san nous rejoint et dépouille aussi. On travaille en silence, est-ce à cause de ma présence ? On sera plus bavard dans l'après-midi. On pèle, on pèle. "L'odeur de la patate douce" dit Okuda-san. Oh, mais c'est vrai, cette odeur sucrée depuis que l'on a commencé, c'est exactement celle de la patate douce. Le bois nu du kôzo me semble tellement appétissant maintenant. Comme la chair d'une Satsuma-imo.
Toute la matinée, on fait le kawa hagi, retirer la peau. Après avoir été étuvée, l'écorce brune du kôzo se désolidarise du bois et se pèle facilement. C'est la partie interne blanche de cette écorce qui servira à faire la pulpe à papier. J'aime bien cette étape dans le travail des fibres. Les mains au contact du bois chaud, une délicieuse odeur sucrée dans l'atelier, l'idée du froid est loin...
Une fois le fagot dépouillé, on rassemble les "peaux" qui sont mises à sécher dehors, en attendant d'être grattées. Je crois que l'on a du peler au moins 300 branches dans la journée. Et ce sera autant de travail, voir plus, pour l'étape suivante, gratter l'écorce noire. D'ailleurs, Emi-san est à cette tâche depuis la matinée. Elle gratte à l'aide d'un couteau cette partie brune indésirable. Un travail humide, où les mains plongent souvent dans l'eau froide.
Je me pose à côté d'Emi-san et du poêle à pétrole qui chauffe son poste de travail. Je la regarde faire et discute avec elle entre deux fagots à dépouiller. Même si sa tâche semble très humide et frigorifiante, le poêle nous irradie de sa chaleur. Vraiment, je me demande où est passé le froid auquel je m'attendais en travaillent dans un atelier de washi en hiver...
A midi, le couple d'artisans me propose de déjeuner avec eux. C'est vrai que je n'ai rien apporté à manger. Je me sens un peu bête, mais Emi-san me rassure en me disant qu'elle a fait des oden et qu'il y en a beaucoup. J'adore les oden ! Des légumes, oeufs, konjac et pâtes de poisson mijotés très longtemps dans un bouillon léger. On passe à table. Effectivement, Emi-san pose une énorme marmite remplie devant nous, ainsi que des musubi qu'elle a faits. Itadakimasu !
Oden bouillants, thé fumant, les pieds chauffés par un autre poêle, le déjeuner est un moment de détente. Je continue de poser des questions à Okuda-san sur son travail du washi, comment apprendre le métier, ce que font d'autres artisans. On parle aussi de la famille. Le temps de la pause passe vite à table, au chaud.
Reprendre le travail n'est pas difficile, car le vent qui souffle dehors ne nous refroidit pas plus que cela. Chaque poste de travail a sa source de chaleur, que ce soit le feu du foyer, les branches brûlantes lors de kawa-hagi ou le poêle devant le bac d'eau froide. Pas étonnant que le washi de Okuda-san soit aussi chaleureux. Finalement, dans cette journée, le moment où j'aurai eu le plus froid, ça aurait été à l'hôtel, dans l'eau refroidissante d'un bain coulé depuis longtemps.
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C'est dans les coins les plus reculés du Japon que l'on trouve de vrais papiers japonais traditionnels. Clairement, le washi est confectionné à partir de plantes, et le processus de fabrication -qui utilise de grandes quantités d'eau claire- nécessite d'être a proximité, le plus souvent, d'un cours d'eau. Dès lors, on va souvent trouver les ateliers de washi dans des petits villages encaissés dans les montagnes.
C'est le cas pour le papier de la région de Gokayama dans la préfecture de Toyama. Gokayama est une des régions célèbres pour leurs maisons au toit de chaume (gasshô-zukuri). L'histoire veut qu'après leur défaite contre le clan Minamoto au 12e siècle, les survivants du clan Taira se seraient réfugier dans les vallées de Gokayama pour s'y installer, y apportant la culture de Kyoto dont le washi. C'est en parallèle des travaux agricoles que la fabrication du papier s'est développée.
Il est aussi possible que du papier ait déjà été fabriqué bien avant dans la région, car les chroniques du Shosoin datant du 8e s. mentionnent "les 400 feuilles de papiers d'Echû", Echû étant le nom d'une ancienne province japonaise dont fait partie Gokayama.
Profitant d'un long week-end Septembre 2014 dans le Toyama, je me suis allée à Ainokura, un des villages de Gokayama. Ainokura est en fait 'un village de papier' car c'est ici que l'on y retrouve l'artisanat papier datant des Taira. L'une des maison gasshô est une boutique qui vend le washi de Gokayama (五箇山和紙). On peut aussi s'essayer à la fabrication d'une feuille de washi (atelier individuel de 10~15min).
Plus loin, en longeant la route principale qui descend dans la vallée, on retrouve l'atelier de fabrication du washi de Gokyama (l'atelier s'appelle tout simplement Gokayama washi). La boutique est plus fournie que celle du village, et il est possible de descendre visiter le grand atelier. Il y avait un artisan en plein travail de fabrication de papier pour ombrelle japonaise (wagasa), commande de l'atelier Hiyoshiya à Kyoto. Ca a été une chance de visiter un atelier qui reçoit des commandes de tout le pays.
Une petite discussion avec la personne présente est donc vite entamée. L'atelier confectionne du washi uniquement à partir du kôzo qu'ils cultivent sur place. Le tororo aoi, lui, est produit dans la préfecture d'Ibaraki. Le papier qui sort de cet atelier est donc 100% japonais, alors que certains sont maintenant confectionnés à partir de kôzo ou tororo aoi importés d'Inde ou de Chine.
L'atelier est ouvert aux visites et il est aussi possible de s'essayer à la fabrication de papier (avec rendez-vous) dans une ambiance un peu plus authentique que celle dans la boutique du village, puisque l'on a l'occasion d'utiliser les outils de l'atelier! Les différentes étapes de fabrication sont indiquées par des pancartes au dessus des équipements...L'atelier est très bien équipé, et j'ai compté 3 batteuses naginata (machine qui cisaille les fibres de kôzo). Ca prend beaucoup de place ces bêtes!
Les utilisations du washi de Gokayama sont assez classiques: panneau coulissant de papier (shoji que vous pouvez voir dans les maison gasshô), lanternes, ombrelles, écriture. Les papiers de qualité supérieure sont utilisés pour de la restauration de bien culturels nationaux, comme les shoji de la Villa Impériale à Katsura (Kyoto). Par ailleurs, Yushi Miyamoto, un des artisans de washi de Gokayama, perpétue la tradition de blanchir les fibres de kôzo sur la neige (雪晒し yuki sarashi), la région étant très enneigée en hiver.
Lorsqu'il est teint, le papier est aussi très utilisé pour faire du chigiri-e, ces tableaux de collages de washi déchiré. Un concours/exposition national a lieu au Gokayama Washi no Sato en ce moment (9 Sept au 26 Oct), en même temps que le Washi Matsuri (fête du washi) de Gokayama.
Pour se rendre à Gokyama depuis Toyama: train pour Takaoka ou Johana puis bus "World Heritage"(Seikaiisan bus). Si le coeur vous en dit, et parce qu'il est possible de faire quelques villages en une seule journée, vous pouvez pousser jusqu'à Shirakawa-go, le plus connu des villages aux toits de chaume. Plus d'informations sur le village d'Ainokura en cliquant ici.
]]>Voici un petit compte-rendu et mes impressions (plus bas) sur le Washi Summit (sommet du washi) de 2018 qui a eu lieu dans l'après-midi du 18 Octobre à Mino, dans la préfecture de Gifu. J'ai assisté à cet évènement après avoir vu passer l'information relayée par le compte @minowashi0903 sur Instagram.
Le washi de Mino (plus précisément le Hon-Minoshi) fait partie des 3 washi artisanaux reconnu par l'UNESCO depuis 2014 (dont le Sekishû Hanshi (préf. de Shimane) et le Hosokawashi (pref. de Saitama)). Le thème du sommet était la revitalisation de l'artisanat, et les idées discutées étaient le marketing du washi et ses nouveaux canaux de vente.
L'évènement faisait le focus sur ces 3 washi. Je suppose que l'idée sous-jacente est que leur promotion auprès du grand public aura des retombées pour l'ensemble de l'industrie. Ce sommet étant ce qu'il était, il y avait donc les grands pontes de ces washi emblématiques, ainsi que divers représentants administratifs et des artisans de Mino, Hamada et Ogawa. Le public était aussi invité à assister.
La séance s'est déroulée en 3 temps avec en 1ère partie un mot d'ouverture du maire de Mino, une présentation sucsinte des 3 washi et une discussion de 30min avec 3 artisans des 3 régions invitées. En 2nde partie, le calligraphe Sôun Takeda était invité à faire une démonstration sur du washi Mino de Masashi Sawamura (artisan reconnu par le gouvernement japonais), et à parler de la relation calligraphie-washi. La 3e partie était "le mot de la fin", c'est à dire la déclaration des décisions qui ont été prises après discussion entre participants du sommet.
Pour être franche, j'ai peut-être un peu trop attendu de ce "sommet" et j'ai été quelque déçue par la session ouverte au publique. Si l'effort de faire la promotion du washi est louable (car nécessaire), je reste dubitative sur cet après-midi en particulier, son intérêt et les retombées concrètes qu'il pourrait rapporter. Plusieurs questions me sont venues pendant la session. Notamment :
Pourquoi faire cet évènement public à Mino ? Oui, Mino est importante car un de ses petits villages est le centre de production du Hon-Minoshi. Mais la ville située un peu en retrait des zones actives (Gifu, Nagoya) n'est pas facile d'accès. De plus, plusieurs attraits touristiques de la région se situe dans les vallées où une voiture est nécessaire. Difficile d'attirer du monde sachant cela. Du reste, la moitié des sièges "Public" ont été occupés par des lycéens de la région, et non des gens intéressés par l'avenir du washi.
Pourquoi le washi ne se représente-t-il que via les 3 papiers reconnus par l'Unesco ? Je comprends bien l'intérêt de focaliser sur des papiers de qualité (car oui, ce sont de très beaux washi). Mais concentrer la promotion uniquement sur ceux-ci a l'effet d'éclipser les autres washi et de créer un star-system (sans rire !). Je connais des artisans qui font de superbes washi pourtant, mais ceux-là, qui fait leur PR? Je pense que l'idée d'un ruissellement de la notoriété des gros noms du washi sur d'autres régions papier du Japon est un peu naïve. D'ailleurs, peu d'artisans d'autres régions étaient présents ce jour-là.
L'intérêt de la discussion des 3 artisans était relativement limitée. Au lieu de discussion, cela ressemblait plutôt à une interview basique dirigée par une personne ne connaissant rien au washi. Les questions était du genre "Depuis combien de temps faites-vous du washi?". Loin du thème du sommet avec des questions qui auraient du ressembler à "Comment faites-vous la promotion de votre papier? Quels sont vos canaux de distribution ? Utilisez-vous internet ou les nouvelles technologies pour cela ?" Je ne plaisante pas, car sur les 3 panellistes, 2 étaient du même âge que moi !
Pourquoi faire un "sommet du washi" de 3h dont 1h30 de stand-up comédie d'un calligraphe ? Un sommet est une réunion de personnalités devant discuter de solution pour améliorer une situation. Je me dis que je fais erreur et que toutes les discussions se sont déroulées en amont de l'évènement de l'après-midi. Par ailleurs, une visite au musée du washi de Mino était organisée le lendemain pour les délégations, ce qui suppose qu'un programme non-public du sommet. J'espère donc que "le mot de la fin" ("Nous allons continuer à protéger la culture du washi") n'était donc pas la vraie conclusion de ce sommet. Je vais me renseigner pour voir quelques mesures ont étés discutées et adoptées :)
En bref, que s'est-il dit au Washi Summit 2018 ? Et bien pas grand chose, ou alors je ne sais pas. L'évènement ouvert au public de cet après-midi de 3 heures n'avait pas l'envergure que j'en attendais. Si des décisions concrètes sur la promotion du washi hors du Japon ont été prises, elles ont du être décidées derrière des portes closes. Néanmoins, je suis très heureuse de m'être enfin rendue à Mino, cette région emblématique du papier japonais. Et j'ai eu l'occasion de rentrer Mayumi Takahashi qui produit entre autre du Hon-Minoshi. Je vous parle prochainement dans un article de cette rencontre avec une femme artisane :)
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Au travers d'une petite série d'articles courts, je me penche sur le kôzo, le mûrier à papier qui est utilisé dans la fabrication du papier japonais washi. On parle dans cet article de nom. Et un brin de botanique. Je démêle les branches de kôzo qui se sont emmêlées dans ma tête après une balade dans le parc impérial de Kyoto. Mais cela m'a mené à plus de questions que de réponses...
Le washi est fait à partir de mûrier à papier, paper mulberry en anglais, et kôzo en japonais. Le kanji pour kôzo est 楮, l'écriture en katana : コウゾ qui se transcrit en écriture latine 'romanji' (dans le système Hepburn) : kouzo.
Je me suis promenée dans le parc du palais impérial de Kyoto à la recherche d'un kaji-no-ki (梶の木 - カジノキ). Il s'avère que le kaji-no-ki porte aussi le nom de kami-no-ki, que j'interpretais comme arbre à papier. Dans ma tête, kaji-no-ki était donc le nom un peu moins commun du kôzo.
Mais des recherches sur l'origine du nom "kaji no ki" m'ont fait comprendre que kaji-no-ki et kôzo étaient bien deux espèces différentes. En effet, le kaji-no-ki, c'est Broussonetia papyrifera (on reconnaîtra le terme qui désigne papier). Et le kôzo, c'est Broussonetia papyrifera × Broussonetia kazinoki.
Le kôzo est donc un hybride naturel cultive des deux espèces du genre mûrier / Broussonetia. D'un côté, le Broussonetia papyrifera (= le kaji-no-ki) et de l'autre, le Broussonetia... kazinoki ?! Et kazinoki, c'est bien la même chose que kaji-no-ki (le système de romanji est juste différent). Le nom vernaculaire (usuel) japonais du Broussonetia kazinoki est himekôzo. Ce puzzle a tourné en rond dans ma tête pendant 48h.
Edit : l'hybride naturel B.papyrifera × B.kazinoki du kôzo a été renomme B. ×hanjiana (hanji=papier coreen) en 2009 par les chercheurs botanistes Yun & Kim (https://www.e-kjpt.org/upload/pdf/0i800808.pdf). En 2014, Ohba & Akiyama ont reclassé l'espèce Broussonetia kazinoki "himekôzo" comme synonyme de Broussonetia monoica découvert en 1885 par le botaniste Hance en Chine (http://www.jjbotany.com/pdf/JJB_089_123_128.pdf).
Pourquoi une telle confusion ? La faute à un certain nommé Siebold, naturaliste ayant visité le Japon durant Edo (au 19e). Soit il a tout confondu, soit il a été induit en erreur... Il faut dire que les trois espèces ont des caractéristiques très similaires. Il faut pousser l'observation sur la longueur des pétioles (queue des feuilles), le duvet de feuille, ainsi que d'être en bonne saison pour observer des différences minimes entre les fruits ces trois espèces. Mais quand-même, pour un pro de la description d'espèce, ça met mal.
Le nom kaji-no-ki viendrait du nom 加知乃岐 (kachi no ki) issu du chinois à l'époque Heian où l'influence chinoise était omniprésente. Déjà utilisé par les Chinois comme plante à papier, il est aussi désigné par l'idéogramme chinois 構 qui donnera plus tard le kanji 楮 de kôzo. Il semblerait qu'au début de la fabrication de papier au Japon, on utilisait le himekôzo qui abondait dans la nature. Reste à savoir pourquoi et quand les Japonais ont utilisé du kôzo. Je creuserai dans cette direction pour un article sur la production de kôzo au Japon. Edit : le kôzo est un hybride cultive non-natif du Japon. Il semble avoir été introduit sur le sol japonais en même temps que la technique de fabrication du papier par des émissaires coréens vers 610 (https://as-botanicalstudies.springeropen.com/articles/10.1186/s40529-017-0165-y).
Pour résumer, le washi est fabriqué à partir de kôzo qui est un hybride entre le kaji-no-ki et le himekôzo. A l'origine, le kaji-no-ki en Chine et en Corée, et probablement le himekôzo au Japon. Il est préférable d'utiliser du "vrai" kôzo, probablement pour la qualité (plus longues, plus résistantes) des fibres. Il existe une quatrième espèce de "kôzo", le tsurukôzo, Broussonetia kaempferi de son petit nom scientifique. Mais peu utilisé dans la fabrication du washi comme le kaji-no-ki et le himekôzo. Donc, je crois qu'on va s'arrêter là.
Nom usuel japonais | Nom scientifique | |
Kaji-no-ki | Broussonetia papyrifera | Etat sauvage |
Himekôzo | Broussonetia kazinoki Broussonetia monoica | Etat sauvage |
Kôzo | Broussonetia papyrifera × Broussonetia kazinoki Broussonetia ×hanjiana | Cultivé |
Tsurukôzo | Broussonetia kaempferi | Etat sauvage |
PS: les fruits de ces arbres sont comestibles et sucrés. Comme des mûres !! Ils apparaissent vers la fin de l'été. J'irai me promener dans les bois pour en ramasser l'année prochaine alors !
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Ayant l'occasion de revenir à Obama, j'ai demandé à mes deux contacts s'il était possible de voir les artisans pendant leur travail à l'atelier. Et le site du Zenkoku Tesuki Washi Rengûkai (syndicat national du washi artisanal) indiquait qu'il y avait 5 à 6 ateliers de fabrication, dont celui de Shiba-san et de l'oncle de Ooe-san.
Le matin, j'avais rencontré Shiba-san à un atelier pour découvrir le washi. On a discuté de son activité, du Wakasa washi et de ses artisans. Ce washi, il était partout avant dans l'impression des papiers yuzen et la teinture des papier katazome de Kyoto. Shiba-san a collaboré à créer un washi résistant aux rinçage de teinture katazome. Maintenant, le washi qui sera imprimé est un papier mécanique fait à Echizen. "On dirait presque du papier artisanal" me dira plus tard Ooe-san.
Puis, il a donné l'info que je redoute souvent : il ne reste plus que lui et l'oncle d'Ooe-san comme fabriquant du Wakasa washi. "Mais Ooe-san est âgé, vous savez. Il a 93 ans je crois." Je prends quand-même rendez-vous pour revenir dans quelques mois voir Shiba-san dans son atelier.
Mes espoirs ont été rincés quand Ooe-san m'a annoncé que son oncle qui a 93 ans ne produisait du washi qu'en période hivernale. Et malheureusement, comme il s'est blessé cette année, il n'y aura probablement pas de production. Peut-être même plus, sans enfants ou successeur voulant reprendre l'atelier. Qui va façonner les 300 feuilles de washi pour la lanterne du temple Sensô (Asakusa) à Tokyo ?
Personne. Plus personne ou presque, ne fabrique un papier aussi lourd au Japon. Et Ooe-san ? Il apprend un peu à faire du washi sans en avoir la vocation. Il est plutôt créatif et préfère réaliser des articles de décoration, de la papeterie et de la bijouterie avec le washi. Il reçoit des commandes mais quand il en aura assez, sa boutique fermera avec lui...
Ces entrevues, c'était un peu comme assister à la disparition d'une espèce animale. On sait que ça va arriver, on veut faire quelques chose parce qu'il y a de l'espoir. Le relais du savoir-faire est encore passable. Et puis, c'est pas comme si le Wakasa washi ne se vendait pas. Mais alors, que faire?
Il faut avouer que l'Echizen voisin, une des régions "washi" les plus connues du Japon, fait de l'ombre. C'est plus sexy d'apprendre à faire du papier chez les stars. Et puis, y a pas beaucoup de gens qui voudraient venir vivre à Obama pour apprendre pendant des années avec et CHEZ un maître-artisan.
Mmm... là est peut-être le problème, moderniser l'apprentissage d'un artisanat traditionnel ? (question pour mes visites dans quelques mois). J'imagine la réponse. "Oui, mais là voyez-vous, on est au Japon, 「c'est difficile。」".
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Si l'on s'intéresse au sujet, le musée Suho est complet et possède son propre atelier de fabrication de papier. Il est montré au public pour chaque visite guidée: on y retrouve toutes les installations pour y faire du papier à mûrier, comme au Japon. Car, vous le savez déjà, le washi puise ses origines dans la fabrication du papier élaboré en Chine, qui utilise les fibres du mûrier papyfer qui pousse un peu partout en Asie. Donc, pas étonnant d'en voir ici à Taïwan.
Il y a aussi des ateliers ouverts au public pour y confectionner du papier. J'ai pu comparé avec ceux de washi auxquels j'ai participé au Japon, et ce n'est pas très différent :) On a utilisé une pulpe assez grossière de fibres de mûrier, fibres de bois et quelques résidus colorés. On a façonné la feuille sur cadre+tamis en "tamesuki" (en laissant drainer l'eau, technique la plus simple) que l'on a ensuite épongé sur du gros papier buvard. Les papiers ont été séchés sur des plaques chauffées.
Cet atelier est conduit plusieurs fois dans la journée et il n'y a pas besoin de réserver :) Malheureusement, les explications sont en...taïwanais. Mais avec la démonstration en début d'atelier, tout le monde est capable de suivre cette activité. Qui plus est, c'est parfait les jours de pluie et pour les enfants, comme vous pouvez voir sur les photo :)
Puisque c'est un musée, il y a bien sûr une partie "connaissances" où est expliquée l'origine du papier. Mais surtout, j'ai enfin appris la VRAIE origine de ce qu'on appelle le "papier de riz". Et comme je le pensais, il n'a rien à voir avec le riz. Je n'aime pas cette appellation car elle regroupe un peu tout et n'importe quoi qui ressemble à du papier et qui vient d'Asie, car on ne fait pas l'effort de comprendre. C'est assez dénigrant :( "Papier de riz" fait référence en premier lieu au papier à la texture très légère qui sert de support aux peintures chinoises, et non au papier chinois (Xuan paper) ou japonais (washi), et encore moins à la crêpe de riz pour nem (bánh tráng).
Le papier de riz donc est un papier assez récent (18e siècle). Il est issu de la plante Tetrapanax papyfera ou Aralie à papier, endémique de Taïwan et le sud de la Chine. En chinois, la plante s'appelle Tongcao (prononcez "tongue - tsao"). De celle-ci, c'est le coeur tendre (moelle) à l'intérieur du tronc qui sert à faire le papier. Et comment ? Et bien tout simplement en découpant en très fine couche cette moelle. Si le procédé de fabrication est très simple, découper la moelle de la plante était une opération qui nécessite pas mal d'entrainement, on dirait :)
Le papier de riz est résistant mais peut adopter une forme tridimensionnelle lorsqu'il est humidifié. L'usage le plus courant qui tire partie de cette caractéristique et de l'aspect délicat du papier est la confection de fleur. Les oeuvres florales réalisées avec le papier de riz sont vraiment extraordinaires. Et lorsqu'il est utilisé pour exécuter des gouaches, la texture "mousseuse" du papier de riz donne un effet velour aux peintures.
Le musée n'est pas une attraction majeure de la ville et ce fut un peu une découverte par hasard. La visite est cependant très intéressante. L'atelier publique a lieu à heure fixe durant toute la journée sans réservation. Si l'atelier n'est expliqué qu'en taïwanais, l'expo permanente et les expo temporaires sont en anglais.
Ouvert du Lundi au Samedi - 9h30 / 4h30
Fermé le Dimanche et jours fériés.
Station de métro la plus proche : MRT Songjiang Nanjing (Lignes G et O).
Entrée : ≈ 5€
L'industrie textile et papier du Japon sont graphiquement liées depuis de nombreuses décennies. Pour s'approprier les sublimes motifs qui étaient brodés ou imprimés sur les kimono, de nombreux artisans ont voulu les reproduire sur le washi. L'exemple que l'on connaît le mieux sont les motifs des kimono d'acteurs de kabuki durant la période Edo qui ont été réimprimés sur papier pour donner le fameux Edo chiyogami.
Plus récemment, ce sont les très florissant design yuzen des kimono de Kyoto que les studio d'impression ont transférés sur le washi et que l'on utilise aujourd'hui en origami et loisirs créatifs. Alors pourquoi ne pas utiliser les katagami, ces pochoirs en washi imperméabilisé au jus de kaki pour reproduire sur papier les design de la teinture katazome?
C'est ce que fait Asai-san dans son atelier de Kyoto depuis 20 ans. Chorakuen existe depuis une trentaine d'années, après l'acquisition de katagami d'un studio d'impression katazome ayant fermé. Certains motifs sont très fin en petit points, dans le style des Ise-katagami. Dans son atelier aménagé sous les toits et son garage, Asai-san imprime sur des washi faits-main des motifs classiques japonais que l'on pourrait retrouvé sur les kimono. Il utilise pour cela deux techniques: le katazome et le katazuri.
Le katazome est la technique bien connu qui consiste à utiliser les pochoirs (katagami) pour créer des réserves de blanc sur le washi avec une pâte imperméabilisante. Le washi est ensuite entièrement coloré puis abondamment rincé à l'eau claire. La teinture et la pâte s'éliminent ainsi, et révèlent le motif créé par les réserves. Le katazuri est une technique beaucoup plus simple qui consiste seulement à monographier le papier en appliquant une teinture épaisse (dorée, argentée ou autre) sur le washi (coloré le plus souvent) au travers du pochoir. Les papiers sont très simples et agréables à travailler, autant pour l'origami que n'importe quel activité de collage.
Les washi utilisés par Asai-san sont des papiers façonnés artisanalement dans la préfecture de Toyama, connue pour ses papiers colorés de type 'mingeishi' (très prisés dans les loisirs créatifs au Japon). C'est formidable que sur une simple idée et des washi modestes Asai-san puisses créer une palette de couleurs et de motifs (près de 200 différents) aussi inspirante. Ses papiers se combinent à merveille avec des motifs plus foisonnants, ou peuvent s'apprécier tels quels sur des luminaires par exemple.
Je suis ravie d'avoir fait la connaissance d'Asai-san et d'avoir visité son atelier empli de bossa-nova et samba (Asai-san a vécu au Brésil dans sa jeunesse). Il m'a même laissé monographier quelques papiers. La simplicité de ces papiers donnent une touche très élégante aux objets qu'il viennent décorer. Depuis l'ouverture de la boutique, je vous propose les papiers Chorakuen en exclusivités sur Hariko. J'espère qu'ils chatouilleront votre créativité et les bouts de vos doigts :)
Retrouvez les papiers sur cette page : Papier Japonais Chorakuen.
Les éventails à décorer disponibles ici : Eventail à décorer
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Bien qu'il faille un peu de matériel (notamment un mixeur !), le processus en lui-même est simple: on découpe le washi/carton en petits bouts, on fait bouillir, on mixe et tadam ! On a de la pulpe à papier.
Ah, j'oubliais :) Il faut rajouter un peu de colle pour que les fibres de la pulpe adhèrent entre elles. Cela évitera au papier de se déliter trop facilement.
La vidéo du tutoriel est désormais en ligne ici: https://www.youtube.com/watch?v=5HOdfHtH3Ik
Si vous manquez un peu d'occupation ce week-end, vous pouvez vous essayer au "kami-suki" (façonnage de papier). C'est aussi super ludique pour les enfants :)
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