Kyoto, en tant qu'ancienne capitale impériale, a abrité pendant des siècles une industrie du papier florissante. Mieux, elle fut le siège de grandes innovations techniques grâce à un savoir-faire qui s'élabora au Kamiya-in, l'atelier impérial de fabrication papiers dont la beauté fut vantée jusque dans le Dit du Genji. Malheureusement, comme partout au Japon, l'artisanat du washi de Kyoto déclina drastiquement après l'introduction du papier "à l'occidentale" au début du 19e siècle. Ce déclin a ensuite perduré pendant les décennies suivantes pour diverses raisons sur lesquelles je ne vais pas m'attarder ici.
Aujourd'hui, le washi ne se fabrique plus (ou très occasionnellement) dans les grandes villes car la qualité de l'eau en centre urbain ne convient pas à la fabrication d'un matériau durable dans le temps. Il en est de même à Kyoto. Il n'y a plus d'artisan de washi dans la ville. Sauf que, sauf que ! Si en fait. Mais ce n'est pas exactement le washi dont je parle à chaque fois puisque l'atelier que j'évoque ici fabrique du papier de bambou. Et aussi, tout se passe "au fond du jardin" ou presque, par une artisane autodidacte. La singularité du lieu n'en est pas moins fantastique. Pour vous le faire comprendre, il faut que je remonte à près de 1230 ans arrière.
Fibres de bambou - Atelier Nishi Tera - Photo : Emilie EVEN/Hariko Paper
794 - Kyoto devient capitale impériale et le palais de la cour est construit à l'emplacement qui est aujourd'hui bordée par les rues Ichijo (nord) Nijo (sud), dans l'alignement de la rue Senbon. C'est en gros le quartier entre le sanctuaire Kitano Tenmangu et le château de Nijo. Dans cette enceinte, le Zushoryo est "l'officine gouvernementale des documents" et gère la production de papier pour l'administration du pays. La tâche devenant ardue à cause d'une bureaucratie en plein développement, le Zushoryo décide d'ouvrir un atelier de fabrication de papier pour améliorer la technique de fabrication du papier : le Kamiya-in, dont l'emplacement, à quelques de centaines de mètres du Zushoryo, n'est pas certain mais une rivière à son nom coule toujours (dans le jardin du sanctuaire Kitano Tenmangu).
Carte "Le Washi à Kyoto" par Emilie EVEN/Hariko Paper
Rivière Kamiyagawa, Kyoto, Japon (Photo : Emilie EVEN/Hariko Paper)
Là où une incroyable coïncidence se produit, c'est que l'atelier de papier de bambou est situé sur l'exact lieu du Zushoryo ! Quand j'ai su qu'il existait encore un atelier de papier dans cette ville si importante dans l'histoire du washi, et que j'ai compris qu'il était localisé sur les ruines (très enfouies, certes) du Zushoryo, j'ai pensé que le kami (divinité) du kami (papier) était passé par là. Et que du coup, moi aussi je devais passer par là ! Ca tombait bien, l'artisane ouvrait son atelier au public à l'occasion du "Jour des Machiya" (le 8 Mars), ces habitations traditionnelles japonaises qui vous ramènent un siècle en arrière quand vous passe le pas de la porte. Et qui plus est, elle invitait ce public à s'essayer à faire du papier de bambou. Ni une, ni deux, réservation prise pour l'atelier de papier de bambou à l'atelier Nishi Tera de Kobayashi-san.
Je vous raconte la suite bientôt !
(Tous textes et photos sont fruits de mon travail. Ils sont non-libres de droits. La carte "Le Washi à Kyoto" est extraite du mini-guide compagnon du service de tours guidés sur le papier japonais à Kyoto que je propose.)
Bonjour Émilie.
Je passe 2 jours à Kyoto dans 3 semaines.
J’aurai une après midi libre. Étant amoureuse de papier et de calligraphie ( je pratique la calligraphie amazigh, Berbère, au Maroc), j’aimerais beaucoup vous rencontrer.
Est-ce possible ?
J’espère vraiment.
Portez-vous bien.
Merci Emilie pour ce début de recit tu nous mets l’eau à la bouche… Impatient de lire la suite…