Je reviens de 3 jours dans la baie de Wakasa, préfecture de Fukui. Et je rapporte dans ma tête des nouvelles peu joyeuses. Il y a 5 ans, j'ai aussi passé un week-end dans la région de Wakasa, et pas hasard, j'ai appris qu'on y fabrique du washi (à Obama), le washi de Wakasa. J'avais discuté avec Ooe-san à cette époque qui m'avait énuméré tous les usages du Wakasa washi. L'année dernière, j'ai rencontré Shiba-san à une foire du washi à Osaka. Shiba-san fabrique aussi du washi à Wakasa principalement pour le teindre.
Le Wakasa washi est utilisé pour le papier katazome teint au pochoir (papiers à motif de droite).
Ayant l'occasion de revenir à Obama, j'ai demandé à mes deux contacts s'il était possible de voir les artisans pendant leur travail à l'atelier. Et le site du Zenkoku Tesuki Washi Rengûkai (syndicat national du washi artisanal) indiquait qu'il y avait 5 à 6 ateliers de fabrication, dont celui de Shiba-san et de l'oncle de Ooe-san.
Le matin, j'avais rencontré Shiba-san à un atelier pour découvrir le washi. On a discuté de son activité, du Wakasa washi et de ses artisans. Ce washi, il était partout avant dans l'impression des papiers yuzen et la teinture des papier katazome de Kyoto. Shiba-san a collaboré à créer un washi résistant aux rinçage de teinture katazome. Maintenant, le washi qui sera imprimé est un papier mécanique fait à Echizen. "On dirait presque du papier artisanal" me dira plus tard Ooe-san.
Des cartes faites à l'atelier découverte. J'ai piètrement essayé de faire un tobikumogami (droite) et un kumogami (inversé, centre).
Puis, il a donné l'info que je redoute souvent : il ne reste plus que lui et l'oncle d'Ooe-san comme fabriquant du Wakasa washi. "Mais Ooe-san est âgé, vous savez. Il a 93 ans je crois." Je prends quand-même rendez-vous pour revenir dans quelques mois voir Shiba-san dans son atelier.
Mes espoirs ont été rincés quand Ooe-san m'a annoncé que son oncle qui a 93 ans ne produisait du washi qu'en période hivernale. Et malheureusement, comme il s'est blessé cette année, il n'y aura probablement pas de production. Peut-être même plus, sans enfants ou successeur voulant reprendre l'atelier. Qui va façonner les 300 feuilles de washi pour la lanterne du temple Sensô (Asakusa) à Tokyo ?
Personne. Plus personne ou presque, ne fabrique un papier aussi lourd au Japon. Et Ooe-san ? Il apprend un peu à faire du washi sans en avoir la vocation. Il est plutôt créatif et préfère réaliser des articles de décoration, de la papeterie et de la bijouterie avec le washi. Il reçoit des commandes mais quand il en aura assez, sa boutique fermera avec lui...
Ces entrevues, c'était un peu comme assister à la disparition d'une espèce animale. On sait que ça va arriver, on veut faire quelques chose parce qu'il y a de l'espoir. Le relais du savoir-faire est encore passable. Et puis, c'est pas comme si le Wakasa washi ne se vendait pas. Mais alors, que faire?
Les eaux cristallines de la Baie de Wakasa.
Il faut avouer que l'Echizen voisin, une des régions "washi" les plus connues du Japon, fait de l'ombre. C'est plus sexy d'apprendre à faire du papier chez les stars. Et puis, y a pas beaucoup de gens qui voudraient venir vivre à Obama pour apprendre pendant des années avec et CHEZ un maître-artisan.
Mmm... là est peut-être le problème, moderniser l'apprentissage d'un artisanat traditionnel ? (question pour mes visites dans quelques mois). J'imagine la réponse. "Oui, mais là voyez-vous, on est au Japon, 「c'est difficile。」".