A propos du kôzo, mûrier à papier japonais - 1

Publié par Emilie EVEN le

Edit du 18/06/2020 - Mise a jour des noms botaniques des espces a la suite de la lecture de l'article https://as-botanicalstudies.springeropen.com/articles/10.1186/s40529-017-0165-y


Au travers d'une petite série d'articles courts, je me penche sur le kôzo, le mûrier à papier qui est utilisé dans la fabrication du papier japonais washi. On parle dans cet article de nom. Et un brin de botanique. Je démêle les branches de kôzo qui se sont emmêlées dans ma tête après une balade dans le parc impérial de Kyoto. Mais cela m'a mené à plus de questions que de réponses...

Le washi est fait à partir de mûrier à papier, paper mulberry en anglais, et kôzo en japonais. Le kanji pour kôzo est 楮, l'écriture en katana : コウゾ qui se transcrit en écriture latine 'romanji' (dans le système Hepburn) : kouzo. 

Je me suis promenée dans le parc du palais impérial de Kyoto à la recherche d'un kaji-no-ki (梶の木 - カジノキ). Il s'avère que le kaji-no-ki porte aussi le nom de kami-no-ki, que j'interpretais comme arbre à papier. Dans ma tête, kaji-no-ki était donc le nom un peu moins commun du kôzo.

Mais des recherches sur l'origine du nom "kaji no ki" m'ont fait comprendre que kaji-no-ki et kôzo étaient bien deux espèces différentes. En effet, le kaji-no-ki, c'est Broussonetia papyrifera (on reconnaîtra le terme qui désigne papier). Et le kôzo, c'est Broussonetia papyrifera × Broussonetia kazinoki. 

kajinoki and fruits

Le kôzo est donc un hybride naturel cultive des deux espèces du genre mûrier / Broussonetia. D'un côté, le Broussonetia papyrifera (= le kaji-no-ki) et de l'autre, le Broussonetia... kazinoki ?! Et kazinoki, c'est bien la même chose que kaji-no-ki (le système de romanji est juste différent). Le nom vernaculaire (usuel) japonais du Broussonetia kazinoki est himekôzo. Ce puzzle a tourné en rond dans ma tête pendant 48h.

Edit : l'hybride naturel B.papyrifera × B.kazinoki du kôzo a été renomme B. ×hanjiana (hanji=papier coreen) en 2009 par les chercheurs botanistes Yun & Kim (https://www.e-kjpt.org/upload/pdf/0i800808.pdf). En 2014, Ohba & Akiyama ont reclassé l'espèce Broussonetia kazinoki "himekôzo" comme synonyme de Broussonetia monoica découvert en 1885 par le botaniste Hance en Chine (http://www.jjbotany.com/pdf/JJB_089_123_128.pdf).

Pourquoi une telle confusion ? La faute à un certain nommé Siebold, naturaliste ayant visité le Japon durant Edo (au 19e). Soit il a tout confondu, soit il a été induit en erreur... Il faut dire que les trois espèces ont des caractéristiques très similaires. Il faut pousser l'observation sur la longueur des pétioles (queue des feuilles), le duvet de feuille, ainsi que d'être en bonne saison pour observer des différences minimes entre les fruits ces trois espèces. Mais quand-même, pour un pro de la description d'espèce, ça met mal.

kajinoki leaves

Le nom kaji-no-ki viendrait du nom 加知乃岐 (kachi no ki) issu du chinois à l'époque Heian où l'influence chinoise était omniprésente. Déjà utilisé par les Chinois comme plante à papier, il est aussi désigné par l'idéogramme chinois 構 qui donnera plus tard le kanji 楮 de kôzo. Il semblerait qu'au début de la fabrication de papier au Japon, on utilisait le himekôzo qui abondait dans la nature. Reste à savoir pourquoi et quand les Japonais ont utilisé du kôzo. Je creuserai dans cette direction pour un article sur la production de kôzo au Japon. Edit : le kôzo est un hybride cultive non-natif du Japon. Il semble avoir été introduit sur le sol japonais en même temps que la technique de fabrication du papier par des émissaires coréens vers 610 (https://as-botanicalstudies.springeropen.com/articles/10.1186/s40529-017-0165-y).

Pour résumer, le washi est fabriqué à partir de kôzo qui est un hybride entre le kaji-no-ki et le himekôzo. A l'origine, le kaji-no-ki en Chine et en Corée, et probablement le himekôzo au Japon. Il est préférable d'utiliser du "vrai" kôzo, probablement pour la qualité (plus longues, plus résistantes) des fibres. Il existe une quatrième espèce de "kôzo", le tsurukôzo, Broussonetia kaempferi de son petit nom scientifique. Mais peu utilisé dans la fabrication du washi comme le kaji-no-ki et le himekôzo. Donc, je crois qu'on va s'arrêter là.

Nom usuel japonais Nom scientifique
Kaji-no-ki
Broussonetia papyrifera
Etat sauvage
Himekôzo
Broussonetia kazinoki Broussonetia monoica
Etat sauvage
Kôzo  Broussonetia papyrifera × Broussonetia kazinoki
Broussonetia ×hanjiana
Cultivé
Tsurukôzo
Broussonetia kaempferi
Etat sauvage

 

PS: les fruits de ces arbres sont comestibles et sucrés. Comme des mûres !! Ils apparaissent vers la fin de l'été. J'irai me promener dans les bois pour en ramasser l'année prochaine alors ! 

 

2 commentaires


  • Bonjour, vu vos études sur ces espèces de mûriers, pouvez vous me dire si ces fibres sont utilisables pour le textile, si on peut les filer et les tisser. Merci beaucoup pour votre articles très fourni et précis, et merci pour votre réponse.

    Hélène le

  • Merci beaucoup pour votre article qui m’aidera correctement à finaliser mon prochain post sur les mûriers.
    J’ai retrouvé dans votre façon de chercher une vraie recherche d’explication et une motivation qui m’anime aussi.

    Le peuple d'à côté le

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