La nature du papier japonais, définie par les matières premières utilisées, son processus de fabrication et ses usages (traditionnels), le distingue des autres papiers occidentaux que l’on consomme habituellement. C’est donc parfois inopportun d’appliquer les caractéristiques de ces derniers au washi.
Pour s’y retrouver et vous éclairer dans le choix de votre papier, je vous propose dans cet article de faire une petite introduction au langage utilisé par les artisans japonais pour décrire les caractéristiques de leurs papiers. En résumé : han, atsu, monme.
Format (判形 hangata)
La mesure traditionnelle des formats (判 han, -ban) de washi s’exprime en unités de shaku 尺 et sun 寸. Introduit au Japon au 8e via les échanges avec la Corée, le shaku représentait la mesure d’un avant-bras. Aujourd’hui, il équivaut à 30,3 cm (soit 1/33eme de mètre). Le sun équivaut à 3,03 cm, soit 1/10eme de shaku (et donc 10寸 = 1尺). Par exemple, le washi de Sugihara, un des premiers washi, a donné le format “Sugiharaban” de 1尺1寸×1尺6寸 (≈ 36 × 45cm).
Les formats disponibles sont très nombreux et peu standardisés. Ils sont conditionnés par la forme/cadre qui façonne la feuille. A l’origine, chaque artisan fabriquait lui-même ses outils, il y avait donc de nombreux dimensions et pas forcément d’harmonisation entre les fabricants qui étaient majoritairement des paysans pour lequel le washi est un revenu secondaire.
Malgré le manque d'uniformité, il existe quelques formats historiques que les artisans conservent (par ex. Minoban, issu de la fabrication de washi à Mino, Gifu), ainsi que des formats modernes introduits avec l’ouverture du Japon sur l’Occident (par ex. Kikuban, issu d’un format de papier journal importé par une compagnie américaine).
Dans l’ensemble, les formats les plus courants varient autour de 30×40 cm (quelque chose approchant le A3) ou 60×90 cm (nisanban). Le format du washi a au final moins d’importance que le grammage ou la texture car l’utilisateur pourra recouper le papier aux dimensions qu’il souhaite. Il est quand-même intéressant de s’y retrouver surtout si l’on souhaite garder les bords non-trimmés (耳付 mimi-tsuki ; littéralement “oreille incluse”), et aussi pour ne pas être surpris du ratio longueur/ largeur souvent différent du format A standardisé auquel notre oeil est habitué.
D’autres formats décrits sur les pages suivantes :
(JP)http://www.tesukiwashi.jp/p/sunpo.htm
(JP)http://www.washi.biz/index.php?%E5%92%8C%E7%B4%99%E3%81%AE%E5%AF%B8%E6%B3%95%E8%A1%A8
Sugiharaban |
杉原判 |
363mm × 448mm |
Banshi (½ de Sugiharaban; ≠ au Sekishu banshi) |
半紙判 |
242mm × 333mm |
Minoban |
美濃判 |
273mm × 394mm |
Hodomuraban |
程村判 |
333mm × 485mm |
Kyomaban |
京間判 |
980mm x 650mm |
Shikishi (ou irogami) |
色紙 |
182mm × 212mm |
Ni-San-ban (2尺×3尺) |
二三判 |
920mm × 630mm* |
Kikuban (tres utilise pour le papier yuzen) |
菊判 |
636mm × 939mm |
Yotsuban |
四ツ判 |
620mm × 970mm |
*ce format n’est pas fixe et correspond en fait au ratio 2×3.
厚さ Atsusa - Epaisseur
Le terme utilisé pour parler de l'épaisseur d’un washi est 口 kuchi, littéralement “bouche”. Les artisans de washi mesurent rarement l'épaisseur du papier avec précision avec une jauge comme on peut le faire en Occident. Bien que les artisans maîtrisent totalement le procédé de fabrication, on reste dans un métier où c’est la main de l’homme qui mesure, et non une machine calibrée. On définit plutôt de l'épaisseur du washi avec des termes généraux et vagues:
- atsuguchi 厚口 (atsu : épais)
- chuuatsu(guchi) 中厚(口) (chuu : moyen)
- usuguchi 薄口 (usu : léger)
et tous les degrés de variation entre (très 特 toku, le plus/le moins 最 motto sai-).
Il est aussi possible de définir l'épaisseur désirée en parlant de son usage. Par exemple, hagaki (no atsusa) ハガキ(の厚さ), épaisseur “carte postale”, l’artisan comprendra qu’il faut un washi épais (plus que atsuguchi 厚口, “épaisseur forte”). Ces termes étant très relatifs d’un artisan à l’autre, il vaut mieux les utiliser si vous avez déjà tenu en main les washi du fabricant. En fait, plutôt qu’une mesure métrée, les artisans utilisent le grammage pour définir l'épaisseur du washi. Mais là encore, c’est un vocabulaire traditionnel et des notions relatives d'un atelier à l'autre qui sont utilisées.
Grammage (匁 monme)
C’est probablement la mesure la plus pertinente lorsque l’on veut acheter un washi auprès des artisans. Le monme est en fait une (ancienne) mesure de poids japonais qui équivaut à 3.75g. On peut donc quand-même établir des correspondances entre les nombre de monme et le grammage du washi.
Attention cependant, la différence d’échelle dans le grammage entre le washi et les papiers à pulpe de bois est très grande, car le washi est un papier peu dense et donc plus léger. Si vous souhaitez commander un papier au grammage 300g/m2 pour carte postale, l’artisan ouvrira de grands yeux. En effet, un washi rigide comme une carte postale aura un gramme aux alentours de 130g/m2.
Le nombre de monme reflète la quantité de fibres de mûrier/ mitsumata/ gampi/etc. que l’artisan va mettre dans son bac de façonnage pour définir l'épaisseur (ou la main) du washi qu’il fabrique. L’artisan vous comprendra mieux si vous voulez un washi de 6.5匁 qu’un papier 40g/m2. Qui plus est, il peut y avoir quiproquo si vous ne précisez pas que le grammage doit être exact ou “aux environs de”. Encore une fois, et même si certains ateliers utilisent une balance pour peser la quantité de fibres introduites dans le bac, la plupart utilisent leur expérience pour mesurer cette quantité a la main.
Il y existe ici aussi une relativité de la mesure due aux nombreux formats de washi disponibles. Par exemple, si un artisan utilisant avec un petit format Minoban (27×39cm) et un autre le grand format Nisanban (60×90cm) faconnent un washi de 5匁, le grammage de washi sera de :
5匁×3.75g / (27×39cm) = 178g/m2 (de la cartonnette !) pour le Minoban
5匁×3.75g / (60×90cm) = 34g/m2 (un papier tres souple) pour le Nisanban
Il faut donc connaître le format utilisé par les artisans et encore une fois, discuter des usages que l’on veut faire du washi pour s’accorder sur la main (épaisseur/grammage) du papier.
Malgré cet écueil, il y a quand-même une certaine compréhension mutuelle entre artisans dans l’usage du nombre de monme calculée sur la base du format courant approximatif de 60*90cm, reportée dans le tableau ci-dessous.
Correspondance du grammage de washi | Gram JP (匁) | Gram 60*90 (g/m2) |
2〜3匁 Usumino washi, papier restauration, makimono | 2 | 14 |
3〜5匁 washi pour shoji, lanterne | 5 | 34 |
6〜9匁 couverture de livre, papier 2-couches | 7 | 48 |
10〜12匁 enveloppe, papier gaufré | 10 | 68 |
13〜15匁 carte de visite, carte postale | 12 | 82 |
15 | 102 |
Une petite note à l'égard de la mesure 匁 pour les papier de Hariko. L’utilisation du terme monme est inconnu du grand public (a fortiori en dehors du Japon). Je m’efforce donc de parler de grammage dans la description des papiers de la boutique. Cependant, il existe une légère différence dans le grammage d’un arrivage de washi à l’autre (du fait du caractère artisanal de la fabrication évoqué ci-dessus). J’essaie donc de recalculer le grammage à chaque arrivage et le reporter dans la description de produit.
bonjour, merci pour votre blog très interessant!
existe-t-il un site expliquant comment utiliser le Washi pour la technique du cyanotype ?
D’avance merci pour votre réponse .
Puis-je m’abonner à votre blog?
Bonjour hariko, je me rapproche de vous pour que vous puissiez m’apporter votre aide je désire refaire la décoration de mon logement et j’aurai besoin de vos connaissances concernant le papier Washi mural je dois vous avouer que je suis perdu pour trouvé un fabricant j’habite Paris et si vous pouviez m’apporter votre aide un conseil éclairé me serait profitable un site ou je pourrais commander les rouleaux,
Cordialement.
merci Emi’. Comme à chaque article, j’en apprends toujours encore plus. Là c’est très très technique pour moi, pas sûr de tout retenir mais très intéressant.
Hâte d’avoir ton livre dans mon atelier!